Aux « Amis de Jeanne d'Arc »
Le 28 Janvier 2005 marquera le 40ème anniversaire de la mort du général Weygand. Nous reproduisons ici l’éditorial de Pierre VIRION qui succéda au général WEYGAND en qualité de Président de notre Association des Amis de Jeanne d’Arc.
Ses propos n’ont pas perdu de leur actualité et nous pouvons toujours les faire nôtres.
P.M.
Le Général Weygand était parmi nous l'illustre exemple de la fidélité catholique et française et aussi, à cause de tout ce qu'il représentait, un chef très sûr au milieu des incertitudes et des débâcles de l'esprit.
D'autres plus qualifiés ont fait de lui durant sa vie et au moment de sa mort des éloges dont la hauteur certes n'est pas au-dessus de ses mérites et qui n'ajoutent à sa gloire que le prestige de la vérité. L'ostracisme officiel au contraire, s'en prenant à son cercueil, l'a grandi encore davantage : c'est une autre manière de justice qui sera plus tenace que les honneurs d'un moment.
Pour nous, notre deuil, c'est la perte de celui dont le culte pour la Sainte de la patrie était total et très pur sans les faux-jours d'une optique personnelle ou de nos conditionnements spirituels d'aujourd'hui. Il vénérait Jeanne d'Arc pour ce qu'elle incarne : la Foi et la vocation de notre France, que Dieu lui commanda de défendre et telle aussi qu'il lui inspira de la vouloir. Car Jeanne a laissé un message exprimé autant par ses actes que par ses paroles. Dans ce message dont il connaissait la portée universelle, le Général ne transposait ni les vues ni les préjugés de notre époque, mais, en toute droiture, il l'appliquait à nos problèmes d'aujourd’hui. Ce qui n'est pas la même chose.
So1dat comme il aimait lui-même à se dire –et nous savons à quel point éminent il le fut– il avait pour idéal l'idéal de la sainte guerrière et pacifique. Toute sa vie en était imprégnée ; sa pensée y revenait sans cesse. Weygand, chef d'état-major de Foch, gagnant avec lui la guerre de 1914-1918, sauvant Paris en 1940, sauvant la France en limitant le désastre et forgeant l'armée de la victoire finale, sauvant aussi l'Occident en Pologne n'a jamais hésité à faire abnégation de son intérêt propre, de la renommée de ses victoires pour le salut de cette France à laquelle sainte Jeanne d'Arc a elle-même tout donné. Il y a là plus qu'un parallèle, c'est une configuration. C'est un aspect de sa personnalité qu'il faut entrevoir si l'on veut le connaître. Nous eûmes nous-mêmes, bien souvent l'occasion de par1er d'elle avec lui. Par là s'explique l'esprit de sacrifice et la modestie par lesquels brille davantage la grandeur de sa destinée.
« Les victoires de l'héroïne sont le fruit des vertus de la Sainte ». Ce qu'il disait d'elle ne lui convient-il pas à lui aussi ? Il ne limitait ni sa pensée ni son action de chrétien au cercle étroit de sa vie personnelle. Servir Dieu en premier, comme Jeanne, avait aussi pour lui, le sens bien évident du service de la patrie terrestre, d'abord par les armes puisque telle était sa vocation, mais aussi par le fidèle accomplissement de ce devoir civique dont il déplorait l'oubli chez nos élites chrétiennes à savoir, d'affirmer très haut la réalité, l'absolue nécessité d'une vie publique, nationale selon le Christ. Qu'on se souvienne de la grandiose manifestation du Sacré-cœur où dans la basilique remplie d'hommes, de pères de familles, Weygand, seul au milieu du chœur redisait devant tous l'acte de consécration.
Combien, de fois n'a-t-il pas dénoncé, par la parole ou par l'écrit, l'envahissement sinon la corruption de ces élites, de toutes les classes bien sûr, par l'égoïsme et par des concepts de civilisation toujours plus matérialistes présentés par des propagandes sans cesse plus audacieuses ? Dans ce domaine, comme dans ses tâches militaires, nous pouvions tous être témoins de son sens des responsabilités. Le Général y pensait toujours à cette responsabilité civique d'autant plus grande qu'il occupait un plus haut rang et il ne craignait pas de dire que d'elle aussi dépend notre salut éternel. Ayant vécu et agi dans ces pensées avec Jeanne, pour modèle, il nous est bien permis de croire que de toute son âme, enfin rendue auprès de Notre-Seigneur en compagnie de sa chère Sainte, le Général Weygand assistera encore tous ceux, qui aiment la France, comme il l'a aimée... à la Jeanne d'Arc.
Il avait d'ailleurs confiance en l'avenir : elle lui apparaissait comme un signe donné par Dieu une fois pour toutes à notre patrie.
Mais il aurait voulu que, tous les Français, de tous les milieux, les jeunes surtout, connussent la vie et l'épopée de Jeanne, comme la meilleure et la plus directe formation d'un esprit national dépouillé d'étroitesse mais sans reniement, tout de fierté, tout d'élan généreux et civilisateur. Pour lui elle symbolisait le rayonnement vrai de la France, elle était son image comme chevalier de la Foi et nation missionnaire. C'est pourquoi nous l'avons vu malgré son grand âge, jusqu'à la fin de sa vie, animer avec toute la jeunesse de son cœur notre action si souvent semée de traverses, présidant le soir de grandes réunions à Pleyel ou ailleurs, y prenant la parole, s'intéressant à nos groupes, et à nos manifestations de province auxquels il tenait tant ; toujours avec l'espérance d'un renouveau dont il n'a jamais douté. Je l'entends encore me dire il y a une dizaine d'années déjà : « Jeanne d'Arc a chevauché onze jours en silence à travers la France envahie, dévastée, avant d'arriver à Chinon apportant la délivrance ; je crois qu'elle chemine encore sans bruit dans les âmes et qu’un jour elle nous apportera de nouveau le salut ».
P. V.
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