Association Universelle des
Amis de Jeanne d'Arc



Statue

Fondée en 1953.

Le général Weygand en assure dès le début, une présidence d'honneur active et efficace.

 

But de l'association

Présenter une image complète et exacte de Jeanne d'Arc dans un esprit strictement culturel

Son action Recherche, Diffusion Liaison avec les pays étrangers


Le bienfait politique de Jeanne d'Arc

L'AMIE DES MAUVAIS JOURS


Passants, vous trouvez à redire

Qu'on ne voie ici rien gravé

De l'acte le plus relevé

Que jamais l'histoire ait fait lire ;

La raison qui vous doit suffire

C'est qu'en un miracle si haut

Il est meilleur de ne rien dire

Que ne dire pas ce qu'il faut.

Telle est la seconde des épigrammes de Malherbe sur la Pucelle.

Il en arrivé à ce grand poète de mieux chanter ; mais a-t-il jamais pensé mieux ?

Dante disait ainsi : -Ah ! Combien la parole est courte !

Malgré Malherbe, beau poète, malgré Richer, bon historien, et Chapelain, mauvais poète, il faut avouer que nos pères du XVIIe siècle ont observé devant la chevauchée d'Orléans et de Reims, même devant le bûcher de Rouen, une attitude pieuse, mais contrainte.

Cet objet extraordinaire les a frappés d'un étonnement immobile. Nous avons été tirés de cette stupeur par les dures commotions qui se prolongent parmi nous depuis cent cinquante ans : le désespoir d'égaler la parole à la réalité avait pu imposer quelque silence à nos pères ; l'aiguillon des maux publics a jeté nos contemporains dans la direction de « haut miracle», si pareil à ceux dont nous concevions le désir .

Tant que la France, heureuse, a été retenue dans les voies de son développement ordonné, ou qu'elle y revenait sans de trop longs retards, les Français ont paru assez oublieux, sinon tout à fait ingrats envers Jeanne. Aux jours difficiles, quand il a fallu se ressaisir et se rassembler, le souvenir de la Libératrice a été réveillé par les affinités patentes des crises et des temps.

Nos épreuves ont fait voir cela peu à peu.

Elles ont opéré comme le statuaire qui frappe la pierre à grands coups pour en faire sortir une ressemblance divine. Plus les misères qui avaient suscité et appelé la Pucelle se sont renouvelées, plus nous avons dû soupirer après quelque retour de la forte vertu et du bienheureux sacrifice que, d'Orléans à Reims et de Reims à Rouen, firent fructifier les actions du Victorieux.

Notre soupir disait à la Jeune fille vêtue en chevalier, brandissant l'épée innocente :

- Comme tu répètes mon rêve ! Comme J'aime et honore le meilleur de moi dans ton cœur !

L’honneur que rend un peuple aux hautes parties de lui-même ne saurait se confondre avec le culte béat décerné en bloc à l' ensemble de ses éléments, quels qu'ils soient. Ces apothéoses confuses du hasard inconnu, ces canonisations de la multitude anonyme choisissent peu ou mal : ici, l'Eglise et la Patrie ont cueilli la fleur de la fleur. Mais cette fleur est vraie. Elle porte avec soi le charme de son naturel. Les senteurs du terroir s'en exhalent avec une force hardie, une profonde et persistante fidélité.

Cette image historique tendra donc nécessairement à s' élever, de plus en plus, au rang de modèle et de loi. Mais de loi Juste, d'un modèle héroïque et saint, qui fut mesuré et humain.

Peut-être un jour pourra-t-on dire qu'après nous avoir délivrés d'un joug étranger, l'héroïne nous a légué une pensée qui nous défend et qui nous sauve d'autres maux, étrangers, eux aussi, aux choses de chez nous : fausses vertus ou faux progrès, développements artificiels, plans de réformes prétendues, mais incompatibles avec l'être de la Patrie.

D’ores et déjà, la connaissance exacte du personnage de Jeanne d'Arc emporte un grand bienfait, car nous pouvons y distinguer ce que les orateurs révolutionnaires et les historiens romantiques ont pitoyablement confondu.

Cette héroïne de la Nation n'est pas l'héroïne de la Démocratie. Tout nous autorise à dégager fortement cette différence, hors de laquelle il n’y a que déviation complaisante, ou déduction d'erreurs de fait.

Cette belle enfant de la France fut-elle seulement une fille du peuple dans le sens d'ignorance, d'inculture, d'inéducation que recouvre cette épithète ? La vérité de l'histoire n'est guère favorable à l'intérêt de classe et de faction qui ne peut qu’affadir la personne de Jeanne d'Arc. Sa vraie figure serait plutôt celle d'une petite bourgeoise française, de cette bourgeoisie rurale qui composait et qui forme encore le plus touffu, le plus vivace élément du pays; classe moyenne très étendue, tellement étendue qu'il n’y eut jamais beaucoup de «peuple» en France : classe surtout conservatrice, car rien n'a duré sans elle ; classe révolutionnaire, car rien ne s'est fait d'un peu neuf, ni un peu vivement, sans qu'elle y ait mis du sien.

Jeanne en était si bien, elle adhérait si peu à ce que nos contresens habituels appelleraient un prolétariat flottant et sans racines, ou une paysannerie asservie, qu'on lit distinctement dans sa pensée et dans son cœur, les trois idées directrices de l'ancien Tiers-Etat français :

le Patrimoine maintenu

et la Patrie sauvée

par la Royauté rétablie.


« Le sacre de Reims avait été la grande idée de ]eanne. » Jacques Bainville.


N'AYANT point promis d'apporter des lumières dans le soleil, je n'aurai pas la présomption d'oser une peinture des sentiments de cette héroïne sacrée. Cela forme un domaine mystérieux que l'analyse dessècherait. Les profanes ont le devoir d'en respecter le seuil depuis qu'aux dignités et aux grandeurs communes sont ajoutés les caractères qui élèvent Jeanne sur les autels.

D'ailleurs, s'il m'était accordé un jour de rêver librement, la plume à la main, sur cette histoire incomparable, la méditation porterait expressément et uniquement sur l'esprit, la raison de cette Française excellente, comblée des plus beaux dons de l'intelligence de son pays.

Son premier historien, Edmond Richer, voulut écrire d'elle, dans notre langue et non en latin, en raison, dit-il, de la beauté du « français » qu'elle avait parlé. Richer vivait au commencement du XVIIè siècle, qui s'y connut en beau langage.

Chez Jeanne d'Arc, la parole drue et fine, toujours pleine de sens, suivait aussi l'esprit le plus vif, le plus aisé, qui ait jamais chanté sur l'arbre natal. Tout le contraire de la mystique hallucinée et somnambule qu'une certaine légende a voulu imposer.

L’un de ses traits distinctifs est de voir et de dire, en tout, les raisons brillantes des choses : la première valeur de ses discours et de ses actes tient au degré de lumineuse conscience qu'ils manifestent. Nul être humain n'aura mieux su ce qu'il faisait et pourquoi il le faisait. C'est le chef-d’œuvre de l'intelligence limpide.

Ce caractère accroît, par conséquent, la valeur et l'importance de la méthode par laquelle Jeanne d'Arc sauva notre pays.

La conduite qu'elle a choisie a été voulue, il est naturel d'essayer de la bien concevoir. La réflexion, et peut-être même la songerie, pourront tenir quelque place dans ce travail. Je me suis appliqué à me garder d'accord avec les données d'histoire certaines.

Aucune objection de théologie n'est valable. Il va sans dire, et je le dirai, qu'en toute occasion Jeanne écoutait ses Voix, invoquait l'autorité de ses Voix. De quelque ciel supérieur qu'elle les sentît s'épancher, elle ne les recevait pas sans les comprendre ; elle leur obéissait comme à des ordres intelligibles et sages, qui, pour déconcerter l'égoïsme, la paresse ou le petit esprit des gens, ne lui en apparaissaient pas moins tout à fait conformes à ce que sa raison naturelle lui avait appris de plus élevé. « Je confesse que j'ai porté de par Dieu les nouvelles à «mon roi que Notre Sire Dieu lui rendrait son royaume, le ferait couronner à Reims et bouterait dehors ses adversaires. J'ai été messagère de par Dieu quand j'ai dit au roi qu'il me mît hardiment en oeuvre et que je lèverais le siège d'Orléans ». Langage, certes, impérieux, mais l'impératif de la Morale moderne se formule en un « fais cela » inexpliqué, assez brutal. Les voix de Jeanne d'Arc, non moins catégoriques, étaient cependant rationnelles et faisaient sentir leur motif. Ainsi le voulaient ses habitudes d'esprit; l'extraordinaire de sa mission surhumaine devait lui être confirmé et garanti par tout ce qu'elle y reconnaissait de sage ordinaire, de réconfort humain. De très bons maîtres m'ont enseigné autrefois qu'il n'y avait, pas « opposition », mais composition, entre le naturel et le surnaturel : le surnaturel se bornant à compléter et surélever la nature. Mon commentaire restera au-dessous de ce qu'aurait pu dire dans le même sens un croyant : considérer que des moyens divins sont, humainement, bons, et même excellents, revient à déclarer que le supérieur, qui domine et commande l'inférieur, le contient. Ce n'est pas une découverte. Il n'est pas défendu de comprendre ce qui nous est dit, même du plus haut de l'Ether.

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Des militaires ont montré que, pour chasser l'Anglais de France, Jeanne d'Arc a été un beau capitaine : par exemple, l'un des premiers qui usèrent de l'artillerie en rase campagne. Ces spécialistes font aussi remarquer qu'entre deux formes d'action militaire, entre deux opinions de techniciens, comme on dit aujourd'hui, entre deux partis de conseil de guerre, elle saisissait toujours, avec une impétuosité d'esprit merveilleuse, le pratique, le court, le prompt, le décisif. On a bien raison de signaler ces éléments du génie de Jeanne, toute son histoire les crie : à les faire connaître, on se rend mieux compte des chemins par lesquels elle est allée droit au but.

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Personne ne critique les historiens compétents qui attirent l'attention sur ce point ; tout au contraire, on les en félicite.

Tirons-en cette conséquence : s'il existe une connaissance positive des moyens militaires de Jeanne d'Arc, rien ne donne le droit de douter qu'il puisse y avoir une science de la Politique par laquelle Jeanne a servi son patriotisme inspiré. Sa mission lui vient du ciel ; l'objectif en est exprimé par la lettre à Bedford : l'affranchissement complet du territoire. Les voix célestes descendent dans son cœur de l'arbre enchanté et si loin que s'étende la terre en France, elle la voit et la désire délivrée de l'envahisseur. Le principe de son devoir est donc religieux. Mais le but en est national : sa conscience l’oblige au patriotisme et, devant l’invasion, à l’effort libérateur. Ce que l’on peut appeler proprement la Politique de Jeanne d’Arc ne commence qu’au choix des moyens.

(à suivre)