MÉMOIRE DU CŒUR
Jeanne, fille de la terre et Fille de Dieu,
Me voici en quête de toi au-delà
De tous les artifices qui masquent ta beauté,
De tous les plâtres fades où nous t'avons figée,
Des caricatures fruits de nos incroyances
Et de la lourde gangue où certains te ravalent.
Te contempler sans armure, sans casque et sans lauriers,
Debout dans ta longue tunique blanche,
Pieds nus sur le sol nu,
Dans la clarté d'une aurore de mai
Qui te nimbe de lumière.
Debout, jaillie de la terre ancestrale,
Dans l'espace exigu de ton dernier matin
Que ton cœur élargit jusqu'à la terre natale
Où tu riais, enfant, dans ta jupe vermeille.
Blanc et rouge, rouge et blanc,
Unis en offrande par la magie du feu :
Vierge et martyre tu t'en vas
De la cité humaine en la demeure éternelle.
Debout, les mains liées par la fidélité.
Seule, au seuil de l'ultime naissance,
Seule, comme ton seigneur Jésus-Christ
A l'heure de son passage au Père,
Seule avec lui reçu en viatique
Sceau royal authentifiant tes dix neuf printemps.
Jeanne, seule, dépouillée, enchaînée, exclue et condamnée,
Tu rejoins tous les pauvres de nos sociétés;
Jeanne priante, pardonnante, toute remise à Dieu,
Tu rejoins les grands saints en leur pèlerinage.
Devant toi, le bûcher où t'attend le bourreau.
Près de toi, sur l'estrade, les dignitaires,
- Prélats de jadis, pharisiens d'aujourd'hui -
Impuissants à sortir de leurs sentiers battus,
De leurs doctes idées, de leurs lois immuables.
Ne pouvant se hausser à ta grandeur d'âme,
Ni te rejoindre en ta profonde humilité,
Ils t'excluent, te condamnent et te réduisent en cendres.
Tu es trop droite, trop libre, trop pure, trop jeune
Pour cadrer dans leur calcul rigide.
Qui interdit à Dieu toute fantaisie d'amour
Et le garde prisonnier en des formules closes.
Certains te tirent dans la boue qui leur colle à la peau,
Alors que d'autres te déguisent en marionnette,
S'adorant eux-mêmes en prétendant t'aimer
Pour justifier leur triste politique.
Jeanne seule, entourée par la foule,
Curieuse, indifférente, impassible,
Pour ta mise à mort sans cesse orchestrée.
Les lâches sont légions, propres à tous les temps,
Ils préfèrent t'ignorer craignant de se mouiller,
T'honorant un jour, te délaissant un autre
Au gré de leurs intérêts à défendre.
Une honteuse pudeur te couvre de silence,
Plus lourd et douloureux que celui de Rouen.
La bêtise des uns, la lâcheté des autres
Te maintiennent en procès, liée au pilori,
En regard de l'Histoire sauvée par toi à l'espérance.
Jeanne, victime de nos sottes politiques
Qu'elles soient religieuses ou sociales.
Jeanne la gêneuse, Jeanne l'abandonnée
Ce 30 mai d'hier et tous ceux d'aujourd'hui
N'ayant pour seul appui
Qu'une croix rustique et nue
Tressée de brindilles arrachées au bûcher
Tendue par un Anglais qui avait eu pitié.
Avec tous ceux qui t'aiment
Et accueillent ton message
De Foi, d'Espérance et d'Amour :
JE TE SALUE JEANNE,
« Dieu fait miséricorde »
JE TE SALUE JEANNE,
« De ma mère j'ai appris ma croyance »
JE TE SALUE JEANNE,
« Dieu premier servi »
JE TE SALUE JEANNE,
« N'était la grâce de Dieu
je ne saurais rien faire »
JE TE SALUE JEANNE,
« Je m'en remets de tout
à Dieu mon créateur »
JE TE SALUE JEANNE,
« J'aime l’Eglise de tout mon cœur »
JE TE SALUE JEANNE,
« N'ayez doute Dieu fait ma route »
JE TE SALUE JEANNE,
« Pardonnez-vous de bon cœur.
Faites bonne et durable paix. »
JE TE SALUE JEANNE,
« Les pauvres venaient volontiers à moi. »
JE TE SALUE JEANNE,
« Jésus, Jésus. »
Sœur Jeanne Monique.
Illustrations - JEANNE D'ARC de Agnès Richaume.
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