JEHANNE AU PONT DE L’ECHANDON
Un très regrettable malentendu a retardé de deux ans le publication de cet article dans le bulletin des Amis de Jeanne d’Arc.
L’autorisation préalablement demandée à l’auteur nous a aimablement été accordée mais n’est pas parvenue jusqu’à Monsieur Maire, l’échelon concerné.
Monsieur Paul-Henri Foucaud avait fait paraître cet article dans le n° 23 (2ème trimestre 2002) du Courrier de Notre Dame-Saint Georges, le bulletin de liaison de l’Association Nationale des Cavaliers Catholiques, à laquelle il appartient.
Les itinéraires cités se retrouvent sur la carte Michelin n° 64, plis 15 et 16
J. de La Ville Baugé.
État actuel du site :
A mi-chemin entre TOURS et LOCHES, un vallon boisé dont le silence n'est troublé que par le bruit de l'eau qui court et par l'appel d'un passereau esseulé. Un pont du XIIIe siècle (1) enjambe de ses trois arches ogivales la charmante petite rivière de l'Echandon, qui court se jeter dans l'Indre qu'elle rejoint à ESVRES.
L'état du pont ne permet pas de le passer à cheval (absence de parapet des deux côtés), Certes on peut le passer à pied en tenant le cheval par la bride, mais ce n'est pas non plus sans danger vu l'étroitesse du pont. Toutefois, le gué qui double le pont est. plaisant à passer à cheval.
Les randonneurs à pied du pays de Loches se donnent fréquemment rendez-vous à ce pont de conte de fée et vous feront voir une pierre sur le pont qui porte, depuis 571 ans, la marque du fer du cheval de Jehanne...
D'après une tradition orale propre à ce pays de Touraine, Jehanne aurait passé ce pont en venant de Loches et se dirigeant vers Sainte Catherine de Fierbois, donc le jeudi 3 Mars 1429.
Toutefois, on comprend mal ce détour par le pont de l'Echandon et l'allongement notable de parcours. Certes, Jehanne vient de passer en bas de Loches sans traverser la ville. On peut croire que, venant de Montresor par la Corroirie, elle a traversé Beaulieu lès Loches et continué son chemin par Dolus-le-Sec, Saint Bault, le Louroux et La Tinelliere. Mais pourquoi remonter jusqu'à Monchenain et redescendre par Saint Branchs (2) ?
Par contre, le passage sur le pont de l'Echandon le lundi 16 Mai 1429 s'explique très bien si Jehanne venant de Tours (par Esvres) désire faire une halte à Sainte Catherine de Fierbois pour prier la Sainte qu'elle aime tant et qu'elle a tant priée lors de son premier passage. Et puis Jehanne porte l'épée qui a été trouvée dans l'église de Sainte Catherine, -sur les révélations de ses Saintes- cette épée qui ne l'a pas quittée pendant les événements éblouissants de la délivrance d'Orléans, Jehanne passant si près de Fierbois sans remercier Sainte Catherine, cela ne se conçoit guère.
Quelques jours plus tôt, Charles VII recevait Jehanne à Tours, dans la tour de Guise qui existe toujours. Jehanne suppliait le Dauphin de la suivre à Reims pour recevoir son sacre. Celui-ci hésite, veut réfléchir, prendre l'avis de ses conseillers, et d'abord se retirer dans son logis royal de Loches où sera prise plus tard la décision de libérer les places de l'Orléanais (Jargeau, Meung, Beaugency) encore aux mains des Goddons (3).
En même temps, le Duc d'Alençon presse Jehanne de se rendre à Saint Florent lès Saumur (4) où se trouvent sa femme et sa mère qui attendent la Pucelle, impatientes de faire la connaissance de cette jeune fille extraordinaire que tout le monde reconnaît envoyée par le ciel. Jehanne a également besoin de repos, sa blessure récente le commande (5). Elle chevauche en cotte de maille, moins pénible à supporter que l'armure.
Donc le Dauphin et une partie de l'armée royale descendent de Tours à Loches en passant par Esvres. Jehanne et le Duc d'Alençon chevauchent aux côtés du Dauphin, suivis de leurs escortes et de leurs maisons militaires respectives, jusqu'à Esvres. Là, les groupes se séparent, Charles VII continuant sur Loches tandis que Jehanne et le Duc se dirigent sur Sainte Catherine de Fierbois avec leurs gens. Et, une lieue après Esvres, c'est le passage de l'Echandon. C'est ainsi que les gens du pays ont conservé et transmis à la postérité le souvenir d'une gracieuse cavalière de 17 ans passant le fameux pont, tandis que sa troupe à cheval franchit le gué au milieu des éclaboussements d'eau et des éclats de rire (n'oublions pas que la moyenne d'âge de tous ces cavaliers est de 20 ans et que leur chef en a 17...).
Jehanne n'était pas une sainte triste (6) et l'enthousiasme suscité par ses victoires d'Orléans avait donné du cœur et de la bonne humeur à tous les sujets du Roi.
Bref, Jehanne, cavalière infatigable, continue logiquement jusqu'à Sainte Catherine de Fierbois, puis Chinon, puis Saint Florent lès Saumur.
A Saint Florent subsiste la vieille église paroissiale dans laquelle Jehanne est venue s'agenouiller et prier ses Saintes bien-aimées (7). Subsiste également la très vieille et non moins émouvante église abbatiale (8) que Jehanne a connue et dans laquelle sont venues prier les deux duchesses d'Alençon (la mère du Duc et son épouse) pendant leur long séjour dans l'Abbaye de Saint Florent où elles étaient en sécurité en ces temps troublés.
CONCLUSION: A défaut de documents de l'époque, c'est en consultant les gens du pays et en recueillant leurs traditions orales que l'on peut se faire aujourd'hui une idée d'une chronologie possible des jours qui vont du Jeudi 12 Mai 1429 au Lundi 23 Mai 1429 (départ de Saint Florent pour rejoindre le Dauphin à Loches, sans repasser cette fois par le fameux pont).
A l'intention des curieux, disons que le gué de l'Echandon est toujours praticable même l'hiver. Il peut être un but de randonnée à cheval sur les pas de Jehanne pour les personnes qui ne craignent pas les émotions. C'est aussi un lieu sacré pour ceux et celles qui recherchent le souvenir de Jehanne sur ces coins de la terre de France qui ont vibré sous les pas du cheval de la Pucelle bien-aimée.
Et donc, 571 ans plus tard, dans la lumière d'automne de ce 22 Octobre 2000, le ramasseur de champignons attardé ce soir-là dans les bois de Monchenain, put voir quatre cavalières et deux cavaliers franchir à grand bruit l'eau vive de l'Echandon dans le souvenir de celle qui est passée là jadis, dans ses 17 ans, marquant pour toujours le site de sa venue, de sa jeunesse et de sa sainteté. Paul-Henri Foucaud
NOTES :
(1) Inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques de l’Indre.
(2) Prononcer Saint Bran
(3) Déformation de Goddam, jurement familier aux Anglais à l’époque.
(4) Souvent confondu avec tous les Saint Florent et Saint Florentin que Jehanne a traversés en Février-Mars ou qu’elle traversera plus tard sur la route de Reims.
(5) On aura une idée de la gravité de la blessure reçue à Orléans en se souvenant que le roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion, blessé de la même manière et au même endroit au siège de Chalus en 1199, en mourut 3 jours plus tard.
(6) Devant ses juges à Rouen, intrépide et rieuse dans le danger, elle trouva le moyen de faire rire la sinistre assemblée en disant au greffier qui s’était perdu dans ses papiers : « si vous recommencez à vous tromper, je vous tire les oreilles ».
(7) Dont Sainte Marguerite d’Antioche, et non pas Sainte Marguerite d’Ecosse. Une mise au point précise a été faite il y a longtemps à ce sujet dans un bulletin de l’Association Universelle des Amis de Jeanne d’Arc (n° 123 2ème trimestre 1986. page 1. Pierre Virion).
(8) Actuellement désaffectée du culte et transformée en salle polyvalente (gym.danse…).
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