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Avec Jeanne et Thérèse pour une chevalerie rénovée |
Comment pouvons-nous trouver auprès de la Bienheureuse Vierge Marie, côte à côte, pour patronner la France, deux saintes, que tout, au premier abord, semblerait opposer : Sainte Jeanne d'Arc et Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face.
Comment, la petite bergère de Domremy, devenue chef de guerre et « preux chevalier », ne sachant « ni A, ni B », comme elle le dit elle-même, a-t-elle pu impressionner la grande Sainte Thérèse, maintenant Docteur de l’Eglise, au point que celle-ci écrivait dans ses Manuscrits Autobiographiques le beau passage qu'il nous plaît de rappeler concernant notre propos : « Il est vrai qu'en lisant certains récits chevaleresques, je ne sentais pas toujours au premier moment la vie ; mais bientôt le Bon Dieu me faisait sentir que la vraie gloire est celle qui dure éternellement et que pour y parvenir il n'était pas nécessaire de faire des oeuvres éclatantes mais de se cacher et de pratiquer la vertu en sorte que la main gauche ignore ce que fait la main droite. C'est ainsi qu'en lisant les récits d'actions patriotiques des héroïnes françaises, en particulier celle de la Vénérable Jeanne d'Arc, j'avais un grand désir de les imiter, il me semblait sentir en moi la même ardeur dont elles étaient animées, la même inspiration céleste »
Sa chevalerie était tellement ancrée en elle qu’elle l’a exprimée par un mot très fort « Mon glaive à moi c'est l'Amour ».
Pourquoi cette référence à l'épée chez une aussi douce carmélite ? Parce que le glaive comme l'épée a toujours été l'apanage du chevalier ; alors, pensait-elle en écrivant ceci au glaive spirituel de Saint Bernard, lorsque dans une apostrophe restée célèbre il a lancé, pour enflammer les troupes de la Seconde Croisade à Vézelay « Nous devons tirer les deux glaives ; le glaive spirituel et le glaive temporel ». C'est ce qu'à très bien compris Jeanne durant sa brève vie guerrière en maîtrisant parfaitement ces deux glaives.
L'épée était donc le symbole de toute la vie chevaleresque d'un homme (en l'occurrence et exceptionnellement d'une jeune fille) qui s'engage à faire de grandes choses pour Dieu en réponse à son Appel auquel se rapporte la belle devise des chevaliers : « Ma vie au roi, l’honneur pour moi ».
De ce point de vue, la Pucelle d'Orléans a eu, malgré son sexe et en contravention avec tous les règlements de la chevalerie, une « espèce d'adoubement » grâce à l'intervention des Voix de Sainte Catherine et de Sainte Marguerite qui lui ont révélé que dans la petite église de Fierbois (située entre Loches et Chinon), où elle avait si ardemment prié, elle trouverait sa future épée dont elle devrait s'armer dorénavant.
L'épée ainsi trouvée, ornée de cinq croix était en réalité celle que Charles Martel avait déposée en 733, en signe de reconnaissance après sa victoire sur les Sarrazins à Poitiers.
Cette épée devint donc le symbole incontesté de sa nouvelle autorité auprès des capitaines qui lui étaient confiés et de son nouvel état, celui de chevalier.
A en croire les chroniqueurs du temps, Jeanne ne s'en serait servie que pour battre, du plat de cette épée, une dame de mauvaise vie qui assaillait de ses charmes la soldatesque. Outre l'épée, pour renforcer son aspect « chevalier », le dauphin, futur Charles VII lui offrit une armure complète et le duc d'Alençon, un cheval. Ces deux cadeaux parachevaient ainsi l'adoubement de Jeanne. On peut rappeler ici le très beau texte de Saint Paul dans son Epître aux Ephésiens (VI, 10-18) qui est encore lu aujourd'hui lors des investitures chevaleresques dans certains ordres de cette sensibilité : « Tenez-vous donc debout, avec la Vérité pour ceinture, la Justice pour cuirasse et pour chaussures le Zèle à propager l'Evangile de la Paix ; ayez toujours en main le bouclier de la Foi, grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais ; enfin recevez le casque du Salut et le glaive de l'Esprit, c'est à dire la Parole de Dieu ».
Voilà un passage sur lequel Sainte Thérèse a dû souvent méditer et que Jeanne d'Arc a toujours mis en pratique.
Ceci nous amène à parler de l'épée de Saint Michel, celle de la Justice, de la Justice immanente de Dieu sur les hommes. En effet l'Archange a été l'ambassadeur, l'intermédiaire direct et attentif de Dieu auprès de Jeanne, dès la naissance de sa vocation guerrière afin qu'elle puisse défendre ce grand principe chevaleresque : Travailler au Règne du Christ sur terre comme le dit si bien notre chère carmélite : « Avec lui ( mon glaive ), je chasserai l'étranger du royaume, je vous ferai sacrer Roi dans les âmes ».
Le glaive spirituel est aussi présent à la fois chez Saint Paul dont nous avons vu un aspect précédemment et chez Saint Martin, patron de la France ;
Nous trouvons en effet chez eux les trois vertus théologales, qui sont la Foi, l'Espérance et la Charité. Ces trois vertus nous les trouvons de façons très fortes et cependant très différentes aussi bien chez Jeanne que chez la petite Thérèse. Nous verrons leurs manifestations sur Jeanne, parce que plus faciles à étudier pour un profane... La foi de Jeanne est constante. Elle affirme à maintes reprises que ses Voix viennent bien de Dieu. Léon Bloy a ainsi pu écrire : « qu’elle était autant que tout le ciel de France et assez pour contenter l'honneur de 10000 chevaliers ».
Par ailleurs son espérance inébranlable s'est manifestée, par exemple, lorsque à la question posée par ses juges, qui était de savoir si elle était en état de grâce, elle répondit hardiment et sans complexes : «Si je n 'y suis que Dieu m'y mette, si j’y suis que Dieu m’y garde ».
Enfin la charité qu’elle prodigue vis à vis de tous, adversaires en armes, prisonniers, blessés des deux camps, est permanente. Ne la voit-on pas rabrouer un de ses soldats qui malmène un blessé Anglais. Ce peut être dans ce cas l'épée de Saint Martin, donateur à un pauvre de la moitié de son manteau de soldat romain, au risque de compromettre sa carrière.
Dans le même esprit, voyons pourquoi elle a été un chevalier parfait. Tout d'abord, conformément aux usages que l’Eglise avait fini par imposer lors des guerres, notre héroïne a toujours respecté la Paix de Dieu (qui apparaît, rappelons-le, au Concile de Charroux dès 989). Cette Paix de Dieu interdisait aux troupes féodales, dans les incessantes guerres que les seigneurs se livraient entre eux, de porter atteinte aux clercs et aux paysans. Jeanne, a bien entendu, observé ces règles élémentaires comme elle respectait avec les mêmes scrupules la Trêve de Dieu qui avait pour but direct de limiter le nombre et les ravages des guerres féodales. La Trêve de Dieu obligeait en certains jours et en certaines périodes l'arrêt des combats en concomitance avec l'abstinence et les jeûnes des chrétiens. Le refus des combats pouvait aller jusqu'à désarmer les chevaliers du jeudi au dimanche. Ainsi, dit-elle, « Laissez-les partir (les Anglais). Remercions Notre Seigneur et ne les poursuivons pas, car c'est aujourd'hui dimanche ». Le dimanche, étant depuis le IVème siècle : Le Jour du Seigneur et le seigneur des jours ». Un autre exemple pris parmi tant d'autres : le 5 mai, face à Orléans, jour de l'Ascension, les hostilités furent suspendues sur injonction de Jeanne.
Les autres qualités chevaleresques de Jeanne dont nous n'avons pas encore parlé sont la conciliation et le courage. Avant de lancer une bataille, elle envoie lettres et émissaires pour éviter de faire couler le sang impunément. A Glasdale elle le somme de se rendre « Rends- toi, rends-toi au Roi des Cieux ». Lors de la prise d'Orléans, tout en sachant «que demain il sortira du sang de mon sein » elle part néanmoins au combat avec une énergie sans failles On voit alors tous les chevaliers la suivre avec admiration et détermination jusqu'au terme de la bataille.
A la lumière de ce qui précède, nous voyons que « si Jeanne fut humblement héroïque, Thérèse dans son Carmel de Lisieux fut héroïquement humble ». Sainte Thérèse a tellement voulu s'identifier à son modèle qu'elle a rédigé une pièce de théâtre rapportant son héroïque épopée et qu'elle a voulu en être l'actrice principale. En outre, elle a composé quelques cantiques à la gloire de Jeanne. Les aspirations exprimées par Sainte Thérèse dans ses Manuscrits Autobiographiques, sont en réalité une incitation à reprendre les grands principes de la chevalerie du Moyen-Age. Elle nous engage à les renouveler, à les adapter à notre temps, qui est, nous le constatons journellement « un temps mauvais ». Naguère Gustave Thibon faisait la remarque suivante : «Tout s'effondre lorsque décline l'esprit du sacerdoce et de la chevalerie». Pour le sacerdoce, nos évêques sont là pour le dynamiser. C'est leur rôle premier. Pour ce qui est de la chevalerie, c'est aux laïques de batailler, de sonner la charge pacifique.
Demandons à nos deux héroïnes aide et vaillance dans nos actions familiales, sociales, culturelles, politiques éventuellement, car tout chrétien doit être aujourd'hui, plus que jamais un « un soldat du Christ », un « Miles Christi ». Méritons à nouveau le noble titre donné aux chevaliers d'antan de « paissiers », c'est à dire, d'artisans de la véritable Paix. Celle du Christ.
Donc point n'est besoin d'attendre la constitution d'une armée dûment organisée, chacun à sa place, selon son état et ses talents, doit faire bouger le monde, avec pour support l'Eglise de Dieu et les Pouvoirs en place, (dans la mesure où ceux-ci respectent la transcendance divine).
N'oublions jamais le Testament de Saint Rémi, à savoir - le respect de l'Alliance qui a été établie entre le Trône et l'Autel - Car tout pouvoir vient de Dieu.
Nous voyons qu'il existe entre les deux âmes, une véritable osmose, une symbiose très serrée, une parfaite synergie pour que la France redevienne l'Educatrice de tous les peuples.
N'hésitons pas à invoquer souvent Sainte Thérèse, la fidèle, silencieuse et souffrante amie de Jeanne d'Arc pour qu'elle nous donne la force de suivre son étendard déployé et montons courageusement à l'assaut des remparts du laïcisme, des hérésies modernes ainsi que des idéologies mortifères en lançant ce cri plein d'espoir et de foi: « Jhésus-Maria ». Nous pourrons ainsi participer à la « Gesta Dei per Francos », chère à la chevalerie.
Philippe QUICRAY.
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