COMPIEGNE
Compiègne, printemps 1430
Par trois fois Jeanne vint en la cité
« Voir ses bons amis » mais fleurissait alors
Et déjà trahison était en marche :
Bournel , à Soissons lui refusa passage
Et remit les clefs de la ville
A Jean de Luxembourg.
Choisy à son tour lui fit allégeance
Le duc aussitôt se porta sur Compiègne.
Félonies, retournements
Sourde angoisse au cœur de Jeanne.
Compiègne ! la fille au grand cœur se souvient :
En l’église Saint Jacques à la fin de l’Office
Elle avait communié au Corps de son Seigneur
Puis s’abîma en profonde oraison
Prosternée à l’ombre d’un pilier.
Des enfants à l’âme sans repli
Accueillirent ses graves confidences :
« Mes enfants et chers amys
On m’a vendue et trahie
Et bientôt serai livrée à mort.
Je vous supplie de prier Dieu pour moi ».
Humble requête en ce printemps plein de
promesses.
Compiègne, sise sur l’Oise,
A l’abri de son double rempart
Couronné de vingt tours
Percé de dix solides portes.
Reliée aux prairies d’alentours
Par un pont aux arches massives.
Soldats et bourgeois veillent
Car Bourguignons et Anglais
Picards et Flamands convoitent la cité.
A Crépy-en-Valois Jeanne se prépare
A voler, sans grand appui, au secours de la ville.
Qui donc pourrait l’arrêter en ce printemps
1430 ?.
Vers la mi-temps de nuit
Son ost est en marche
Par la forêt qui ceinture Compiègne.
A l’aube, telle la jeune Espérance
Elle entre dans la ville
Par la porte Pierrefonds.
Comme elle en a coutume
Elle prie, console, réconforte
Les cœurs faibles et les volontés défaillantes.
Tel à Orléans, Jargeau et Patay.
Il y a un an à peine.
Cinq heures, en cette vesprée 1430
Jeanne, en tête de sa troupe
Tente une sortie contre les Bourguignons.
Par deux fois les repousse
Mais à la tierce se replie. Les Anglais lui coupent la route
La lourde herse la sépare de la ville.
Jeanne à l’arrière de sa troupe
Tel le bon berger veille sur les siens.
Vaine résistance, elle est prise
Par un Picard qui exige sa foi.
Mais Jeanne a baillé sa foi à Jésus-Christ
Elle ne le reprendra jamais.
Jalousie, mère de trahison
A-t-elle joué contre l’héroïne ?
Les historiens en débattent encore…
Mais son regard à elle
Saisit l’événement à plus grande profondeur.
Depuis Melun elle sait l’inévitable
Si elle veut bien s’en remettre à son Seigneur.
« Prends tout en gré Dieu te sera en aide ».
Comment pourrait-elle douter de son Maître
Qui jamais ne lui a failli ?
Aujourd’hui dans la défaite
Comme hier en victoire
Jeanne à lui se remet.
Jeanne, fille de Dieu, je te salue
Au soir de ce jour de mai
Où ta vie bascule en grande
souffrance.
Autour de toi j’entends la joie bruyante
De ceux qui te craignaient
Bien plus qu’une armée !
Tandis que Compiègne, la fidèle
S’enfonce dans un silence accablant
Aussi opaque que la nuit.
Contraste.
Qu’en sera-t-il demain
Quel avenir naîtra de cette ignominie ?
Printemps obscur pour la cité et pour toi.
Jeanne aux mains liées, je te salue !
Entourée de tes gardes
Tu conserves ton humble dignité.
L’escorte t’entraîne au camp de Marigny.
Déjà pleuvent insultes et quolibets
Comme en cette nuit du jeudi Saint…
De Coudun le duc est accouru
Tête à tête pathétique, comme Hérode
et Jésus.
L’histoire n’en a gardé trace
Les témoins plaident l’oubli
Stratégie de lâches
Quand la vérité trop ébloui !
Icône de Jésus, je te salue
Jeanne enchaînée, moquée, humiliée.
Bientôt tu dévoileras à tes juges
La beauté de ta vie intérieure :
« Il est bon que je suis prise
Diras-tu, puisque cela plaît au Seigneur. »
Echo de Jésus en agonie :
« Père ta volonté, non la mienne ».
Jésus consacre ta vie
Du sceau du plus grand Amour.
T’embrassant étroitement
Il te hisse avec lui sur sa Croix.
Epousailles, en ce beau mai 1430.
Nous remercions le lecteur qui nous a confié ce texte et nous lui demandons de bien vouloir se faire connaître et de nous en indiquer l'auteur.
Merci.
P.M.
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