Association Universelle des
Amis de Jeanne d'Arc



Statue

Fondée en 1953.

Le général Weygand en assure dès le début, une présidence d'honneur active et efficace.

 

But de l'association

Présenter une image complète et exacte de Jeanne d'Arc dans un esprit strictement culturel

Son action Recherche, Diffusion Liaison avec les pays étrangers


La folle colère de Guillaume de Ganaches
Jeudi, 05 Avril 2012 12:04









« La folle colère de Guillaume de Gamaches »



On connaît bien Jeanne la sainte de la patrie, on connaît beaucoup moins Jeanne chef de guerre… voici un témoignage qui permet de s’en faire une idée… grandiose !



Parmi les personnages de haut relief que furent les compagnons de combat de Jeanne d’Arc, il en est un qui, à l’égal d’un La Hire, d’un Xaintrailles et d’un Gilles de Rais, ne manque pas de pittoresque. Il s’agit de Guillaume de Gamaches.

Ce brillant chevalier appartenait à une noble famille du Vexin normand d’une admirable fidélité à la cause française et à la monarchie capétienne. Son parent Philippe, abbé de Saint-Faron,  n’avait pas craint, en dépit de son état ecclésiastique, de prendre les armes pour défendre Meaux contre les Anglais. Guillaume lui, s’était déjà distingué comme gouverneur de Rouen en 1417, puis en défendant héroïquement Compiègne contre les Bourguignons en 1419, et en participant à la bataille de Blanche-Taque en 1421.

Mais ce guerrier valeureux, d’une parfaite loyauté, d’une merveilleuse franchise et d’un tempérament bouillant… avait la tête près du bonnet. Si bien qu’au cours de la bataille d’Orléans, le 5 mai 1429 jour de l’Ascension, en plein conseil de guerre, il donna un bel exemple de mauvaise humeur vis-à-vis de la Pucelle.

Ce jour-là  les capitaines s’étaient réunis chez le chancelier d’Orléans en l’hôtel de la Rose, pour arrêter sans Jeanne d’Arc la conduite à suivre en vue de briser le blocus des Anglais. Ayant pris la décision utopique de faire attaquer Saint-Loup par la milice de la ville pour immobiliser Talbot pendant que l’armée des chevaliers irait assaillir les Tourelles, ils envoyèrent Florent d’Illiers chercher Jeanne pour lui présenter leur projet… qu’elle fit capoter car elle avait une meilleure idée.

Rendu furieux par cette opposition, Guillaume de Gamaches entra dans une violente colère, s’écriant : « Puisqu’il en est ainsi que les chevaliers se soumettent à l’avis d’une péronelle de bas lieu plutôt qu’à l’avis d’un chevalier tel que moi, j’en suis révolté. Je ferai parler en temps et lieu mon bran (1) et serai peut-être écouté. Mais ainsi le veut le service du roi et mon honneur que je dépose mon fanion pour ne devenir qu’un simple écuyer, car j’aime mieux avoir un homme pour maître, qu’une femme qui fut peut-être on ne sait quoi !… » Puis, devant la Pucelle impassible, il roule son fanion et le remet à Dunois.



Cette extravagante sortie laisse paraître un certain esprit d’opposition à Jeanne, qui traînait dans les pensées de quelques guerriers et courtisans au début de la bataille d’Orléans. Mais chez un chevalier de la noblesse de Guillaume de Gamaches, ce sentiment s’exprimait sous une forme explosive, alors que chez un Gaucourt, un Regnault de Chartres et bien plus encore chez le tortueux et fourbe La Trémoille il prit des formes sournoises et venimeuses, qui eussent risqué de mettre Jeanne en difficulté si elle n’avait su en écarter les effets.

Le caprice du chevalier s’étant un peu apaisé, les autres capitaines s’ efforcent de lui faire comprendre à quel point sa bouffée caractérielle parfaitement déplacée le rend ridicule. Leurs arguments portent si bien que le coupable accepte de se faire pardonner, en déposant en gage de son repentir « un baiser en la joue de la Pucelle ». En rechignant quelque peu Guillaume s’exécute, tant pour l’apaisement de l’atmosphère   qu’il a troublée… que pour la sérénité de sa conscience. Sur ce beau geste, il reprend l’emblème de son autorité au combat.

Deux jours plus tard , le 7 mai, en pleine bataille des Tourelles, quand Jeanne tombe grièvement blessée d’un carreau d’arbalète qu’elle arrache elle-même de la plaie pour reprendre le combat qui se terminera par une retentissante victoire, Guillaume de Gamaches se précipite auprès d’elle pour la défendre à la hache et lui crie : « Prenez mon cheval sans rancune ; j’avais à tort présumé de vous ! »… Et Jeanne de lui répondre avec sa merveilleuse générosité naturelle : « Ah !… sans rancune, car jamais je ne vie chevalier mieux appris !… »

Mieux encore que « le baiser en la joue de la Pucelle », cet acte de fraternité d’armes, rehaussé des paroles qui l’accompagnent, rend bien l’esprit des héros de l’épopée johannique. On y retrouve l’ambiance de haute et délicate courtoisie chevaleresque qui répandait son délicieux parfum sur tout le cours du XVème siècle.

Dès lors, Guillaume de Gamaches fut, comme tous les autres, pris sous le charme magique de l’aura de la Pucelle…

… Et auprès d’elle, il se battit comme un lion.



René OLIVIER*


* Membre de l’Association nationale des officiers de réserve de l’Arme blindée et de la cavalerie, René Olivier  collabore à la « Revue de la cavalerie blindée ».

(1) Expression signifiant mobiliser son ban

N.D.L.R. : Cet article est paru dans le numéro du 18 juillet 1993 du journal l’Homme Nouveau.