Association Universelle des
Amis de Jeanne d'Arc



Statue

Fondée en 1953.

Le général Weygand en assure dès le début, une présidence d'honneur active et efficace.

 

But de l'association

Présenter une image complète et exacte de Jeanne d'Arc dans un esprit strictement culturel

Son action Recherche, Diffusion Liaison avec les pays étrangers


Sainte Jeanne d'Arc: Modèle de fidelité à l'Eglise - 1

Dans l'admirable radio-message qu'il adressait récemment au clergé et aux fidèles assemblés dans la cathédrale de Rouen, notre Saint-Père le pape Pie XII évoquait en ces termes émouvants l'instant suprême où Sainte Jeanne d'Arc consommait son héroïque sacrifice :

"....Voilà qu'une fois encore, les flammes d'un bûcher ravivent l'incendie sur l'une de ses places: dans le silence, résonnent les paroles d'une martyre fidèle à sa vocation , pleine de foi en l'Eglise à laquelle elle en appelait, invoquant le très doux nom de Jésus, son unique consolation." (1)

Cette fidélité parfaite à la vocation divine, fondée sur la foi, soutenue par une inébranlable confiance dans le nom du Seigneur, c'est là un trait commun qui se réalise dans la vie de tous les saints. Mais l'histoire de Sainte Jeanne d'Arc le manifeste avec tant d'éclat, le met en un tel relief, que sa vie entière peut se résumer en ce parfait accomplissement, si bien que la fidélité, commune à tous, devient chez elle comme la marque distinctive et propre de sa sainteté. Au lendemain de la canonisation de la sainte, le pape Benoît XV, dans l'allocution adressée aux pèlerins français, l'avait déjà remarqué, et il montrait : "... radieuse, la figure de Jeanne d'Arc, qui, en toutes choses et partout, s'est laissée conduire par la voix de Dieu."

Cette fidélité de Jeanne sera l'idée centrale de votre congrès : il vous appartiendra d'étudier comment elle s'est employée à réaliser les desseins de Dieu sur la patrie. Vous avez bien voulu me confier l'honneur et le soin de proposer à votre exemple une fidélité plus haute encore, qui fonde et consacre celle qui lui a valu d'être notre héroïne nationale : sa fidélité à l'Église. Thème vraiment magnifique  qui me permettra, je l'espère, de vous montrer pourquoi notre Saint-Père Pie XII ne craint pas, aujourd'hui, d'appeler Jeanne une martyre, puisqu'elle mourut, en fin de compte, pour avoir témoigné en faveur de la véritable Église, l'Église romaine, à laquelle seule elle demandait justice. C'est en m'appuyant  sur cet incomparable exemple que je m'efforcerai de tracer en ses lignes essentielles le caractère propre de toute fidélité à l'Eglise et de rappeler les graves obligations qu'elle nous impose plus particulièrement en notre temps où un souffle de révolte et d'indépendance voudrait nous entraîner hors des limites du bercail.

 

 

La fidélité de sainte Jeanne d'Arc envers l'Église.

 

Il pourrait sembler paradoxal de proposer comme modèle de fidélité à l'Église une personne que des juges ecclésiastiques ont condamnée pour avoir "d'abord différé, puis refusé, de soumettre (à l'Église militante) ses actes et ses paroles, quoiqu'elle en ait été requise et pressée plusieurs fois"

Mais cette accusation, prononcée par un tribunal inique et indigne, ne devait avoir pour effet que de faire éclater plus tard la parfaite soumission de la sainte à la véritable Église. C'est ce que mettra en lumière un document annexé au procès de réhabilitation et qui suffira à nous révéler quels furent réellement les sentiments et l'attitude de Jeanne à l'égard de l'Église.

Ce document précieux, qui ne figure pas intégralement dans la publication de Quicherat, mais qui a été traduit et publié par le P.Ayroles dans son volume intitulé : "La Pucelle devant l'Église de son temps", est un "Sommaire de la cause", rédigé par l'avocat consistorial Paul Fontanus, assistant du cardinal Hégat d'Estouteville lorsque celui-ci prit en main la conduite du procès de réhabilitation.

La partie la plus longue de ce Sommaire examine précisément la question de sa soumission à l'Église. Les juges de la Pucelle, sous la conduite de Pierre Cauchon, avaient tendu à leur victime un piège odieux, dans lequel elle aurait dû infailliblement tomber qu'elles qu'eussent été ses réponses. Le tribunal épiscopal prétendait  juger la sainte au nom de l'Église ; sans aucune réserve, ses membres n'hésitaient pas à s'identifier eux-mêmes à l'Église. C'était donc l'Église qui, par eux, rejetait comme diaboliques et superstitieuses les prétendues visions que Jeanne attribuait à Dieu et aux saints. Celle-ci était dès lors enfermée entre les deux branches d'un dilemme inéluctable :

Ou bien elle renoncerait à ses voix en les reconnaissant pour illusoires ou diaboliques ; Ou bien, en refusant de se soumettre au jugement que l'Église portait sur ces visions, elle se révolterait contre elle.

Dans le premier cas, c'était, pour Jeanne, avouer elle-même qu'une supercherie ou une connivence avec le démon avait été à l'origine de sa prétendue mission. Elle brisait ainsi avec tout un passé de fidélité à ses Voix et à Dieu qui en était le véritable auteur. C'était renier toute sa vocation surnaturelle  et donner à ses juges le meilleur motif de la condamner en la déshonorant.

Dans le second cas, n'était-ce pas résister à l'Église, méconnaître son autorité, préférer à une décision canonique une opinion privée et un jugement propre ? Par cette attitude orgueilleuse, Jeanne aurait fourni à tous la preuve évidente qu'elle n'avait été conduite que par l'esprit malin, l'esprit de révolte, diamétralement opposé à celui de Dieu.

Et c'est ici que Dieu, une fois de plus, s'est révélé admirable dans ses saints. Car Dieu seul put inspirer à l'humble paysanne de vingt ans, ignorante de toutes les subtilités du langage théologique, les réponses si justes et si prudentes qui lui ont permis, devant ses juges indignes, non seulement de demeurer fidèle à Dieu et à ses voix, mais aussi de garder à l'égard de l'Église et de son Chef suprême, une attitude de soumission qui restera pour tous un parfait exemple d'humilité, de foi et d'héroïque prudence.

Avant de citer les témoignages, nous remarquerons tout de suite un détail qui pourrait d'abord nous apparaître comme une déficience ou une incompréhension, mais qui rend, au contraire, plus manifeste l'inspiration surnaturelle où s'inspire l'accusée dans chacune de ses réponses. Ces réponses montrent, en effet, que, lorsque les juges demandent à Jeanne si elle consent à se soumettre à l'Église, elle commence par ne pas comprendre le sens qu'ils donnent au mot Église. Elle songe tout simplement à l'édifice de pierre où elle allait prier et entendre la messe. Peu à peu seulement, elle entrevoit une signification plus profonde, mais qui, pour elle, va dépasser tout de suite le sens étriqué que les juges, dans une intention perverse, auraient voulu lui donner. Elle comprend alors que l'Église est l'assemblée de tous les chrétiens, ceux de la Terre et surtout ceux du ciel, ce qui lui permettra de récuser d'avance toute opposition entre la soumission à l'Église et la soumission à ses Voix.

Mais les juges ne se tinrent pas pour battus et, désireux de reconstruire leur dilemme, ils apportèrent la distinction entre Église triomphante et Église militante qui devait leur permettre de ramener Jeanne à la pleine soumission à l'Église visible dont ils s'estimaient les représentants attirés. C'est alors que la sainte, - après peut-être un instant de découragement, si tant est qu'elle ait librement et sérieusement accompli l'acte de rétractation et de soumission qu'on lui avait extorqué, - déjoua définitivement la fourberie de ses adversaires en faisant appel au pape de Rome, le seul juge compétent pour décider au nom de l'Église en une cause aussi grave. La prudence surnaturelle de la sainte l'avait aidée à déceler le vice foncier qui faussait l'argumentation de ses accusateurs : la confusion illégitime qu'ils établissaient volontairement entre une assemblée de clercs à la solde d'une troupe d'étrangers envahisseurs et l'Église catholique unie à son véritable chef, le Pontife romain.

Les juges tentèrent bien une dernière fois d'envelopper leur proie dans un nouveau lacet en essayant d'opposer, dans l'esprit et dans les paroles de Jeanne, l'autorité directe de Dieu manifestée dans ses Voix à celle du pape lui-même : mais la Pucelle ne se laissa pas prendre, refusant précisément de disjoindre dans ses réponses le Christ et son Vicaire. A ses yeux, ils ne faisaient qu'un et elle refusait d'accepter la simple possibilité de leur désaccord. Tel est le sens dernier de ses réponses pleines de sagesse. Les juges de Rouen s'en emparèrent pour les fausser et faire dire à la sainte ce qu'elle n'avait jamais voulu dire. Ils parvinrent ainsi à motiver en apparence l'accusation d'insoumission à l'Église qui allait entraîner sa condamnation. Mais, en réalité, ce fut pour eux un échec, et, dès ce moment, toute âme droite et impartiale pouvait prévoir le verdict qui serait formulé plus tard au procès de réhabilitation pour la gloire de Jeanne et la honte de ses dénonciateurs. Jeanne avait, jusqu'au bout, montré à l'égard de l'Église une parfaite soumission.

" C'est tout un de Notre Seigneur et de l'Église"

Mais venons au texte même rapporté par Pontanus et emprunté au dossier du procès de Rouen, non, certes ! pour justifier Jeanne, qui est, aujourd'hui une sainte, mais pour mieux considérer sa véritable attitude de foi, d'amour et d'authentique docilité. Ce texte mériterait d'être épelé et médité ligne par ligne afin  d'en savourer à la fois la simplicité presque naïve et la richesse surnaturelle ; car c'est toute la foi de Jeanne qui écrit ici son lumineux témoignages et c'est bien "l'histoire d'une âme" qui se révèle dans une lumineuse transparence :

"La sixième partie du premier article (et par suite le douzième article) : La soumission à l'Église.

Elle affirme avoir gardé les commandements de l'Église en se confessant et en communiant chaque année conformément  au précepte ecclésiastique.

Interrogée à quel pape il fallait obéir, elle répond que, d'après elle, c'est au pape qui est à Rome et que c'est au pape de Rome qu'elle attache sa foi.

Elle demande que les clercs voient et examinent ses réponses. Qu'on lui dise s'il y a quelque chose d'opposé à la foi chrétienne commandée par Notre Seigneur ; elle ne voudrait pas le soutenir et elle serait bien courroucée d'aller contre."

Arrêtons-nous un instant pour remarquer, dès ces premières lignes, la disposition de foi profonde, d'humilité et de pleine soumission qui  s'y exprime. Est-ce là le langage du démon de l'orgueil ? La sainte ne récuse aucunement la compétence des clercs pour juger de sa foi ; elle leur demande seulement de lui indiquer ce qui, dans ses dires ou ses faits, est vraiment contraire à l'enseignement du Seigneur. Elle n'a rien en horreur comme de penser qu'elle pourrait soutenir la moindre pensée contraire à la foi. La seule chose qu'elle exige des clercs auxquels elle se soumet, c'est qu'ils remplissent leur tâche en l'instruisant et en lui montrant ce qui, dans sa vie, serait opposé à cette foi. Mais poursuivons notre lecture :

"Interrogée si elle veut soumettre ses dits et faits à l'Église, elle répond : Tous mes dits et faits sont de Dieu, et c'est à lui que je m'en attends. Je vous certifie que je ne voudrais rien faire ou dire qui fut contre notre foi chrétienne. Si j'avais fait ou dit, s'il y avait sur mon corps, chose que les clercs pussent montrer être contre la foi chrétienne que notre Sire a établie, je la mettrais dehors.

Par ces paroles, ajoute Pontanus, elle semble s'être soumise implicitement à l'Église.

Interrogée si elle veut soumettre tous ses faits, soit en bien, soit en mal, à la détermination de sainte mère Église, elle répond que, quant à l'Église, elle l'aime et elle voudrait la soutenir de tout son pouvoir pour notre foi chrétienne, que ce n'est pas elle qu'on doit détourner d'aller à l'église et d'ouïr la messe.

Ces paroles, ajoute encore Pontanus, montrent ce qu'elle entendait par le mot Église.

Pour ce qui est des bonnes oeuvres qu'elle a faites, il faut qu'elle s'en rapporte au Roi du Ciel qui l'a envoyée vers le roi de France."

Remarquons au passage cette admirable confiance de la sainte qui, pour tout ce qu'il y a eu de bon dans sa vie, n'attend de récompense que celle du Roi du Ciel : pas l'ombre d'une recherche ni d'aucune ambition terrestre. C'est l'espérance surnaturelle dans toute sa pureté.

"Interrogée si elle s'en rapporte à l'Église, elle répond : Je m'en rapporte à Dieu, à Notre Dame et à tous les saints et saintes du Paradis. Il me semble que c'est tout un de Notre Seigneur et de l'Église, l'on ne doit pas faire de difficulté sur cela. Pourquoi faites-vous des difficultés que ce soit tout un ?"

Quelle admirable leçon de théologie donnée par la Pucelle aux docteurs qui entreprennent de la juger ! Elle leur rappelle une vérité fondamentale qu'ils ont, hélas ! depuis longtemps oubliée et qui, s'ils y croyaient vraiment, suffirait à les faire rougir de honte : l'Église, c'est le Christ. "C'est tout un de Notre Seigneur et de l'Église". Ils savent trop bien, les malheureux ! que ce n'est pas tout un de Notre Seigneur et de leur odieuse assemblée politique. Comment leur conscience n'a-t-elle pas frémi en entendant la terrible accusation que, dans un retour complet de la situation, l'accusée elle-même proférait alors contre eux ? Jeanne, qui, tout-à-l'heure, ne semblait pas comprendre ce que signifiait le mot Église, parle maintenant comme une théologienne qui, éclairée par Dieu, va droit au but. Elle ne pouvait choisir de meilleur terme pour magnifier l'Église et pour lui témoigner son entière soumission. Puisque l'Église et le Seigneur, c'est tout un, comment celle qui est pleinement soumise au Seigneur ne le serait-elle pas à l'Église ?

Mais les juges de Jeanne n'ont pas sa lumière. Aveuglés par leur passion, ils préfèrent abandonner la vérité de la foi plutôt que de renoncer à leur inadmissible prétention de représenter à eux seuls l'Église :

"On lui dit la différence."

L'Église, - cette Église qu'ils sont ou prétendent être, - ne sera donc plus le Christ. Que sera une telle Église séparée de sa tête, de son chef ? Dans ces conditions, l'attitude de Jeanne se justifie pleinement :

"Elle répond que, pour maintenant, elle ne répondra pas autre chose. Elle aime mieux mourir que de révoquer ce qu'elle a fait par le commandement de Notre Seigneur."

Réponse toujours parfaitement droite et logique : un commandement du Seigneur ne peut être opposé au commandement de l'Église. Elle n'a donc pas à envisager ce cas absurde, impossible, où l'Église, la véritable Église, lui demanderait de désobéir au Seigneur. Une Église qui ferait cela ne serait pas l'Église du Christ.

Et pourtant le tribunal qui, devant elle, prétend être l'Église, le lui demande. C'est alors qu'elle apporte la dernière réponse qui dissipe toute équivoque :

"Elle a requis d'être menée devant le pape et que, devant lui, elle répondra tout ce qu'elle doit répondre."

Une telle requête, parfaitement juste et motivée, fait tomber juridiquement tous les pouvoirs du tribunal qui prétend seul la juger en dernier ressort : désormais, en toute vérité, il n'a plus aucun titre à représenter l'Église.

Ici commence à poindre, dans le rapport du notaire, une interprétation tendancieuse des réponses données par la Pucelle : on tend à laisser croire qu'elle refuse toute soumission, même au pape. Mais, pour qui s'en tient à la teneur même des paroles de Jeanne, la position définitivement prise en face de juges devenus incompétents reste parfaitement légitime. Quant aux réponses qu'elle ferait si elle était interrogée par le pape, elle n'en dit rien et n'a rien à dire ; elle sait fort bien, - et ses adversaires le savent aussi, - que, devant cette juridiction suprême, il n'y aurait plus de place possible pour un conflit entre les ordres  du Seigneur et ceux de l'Église.

"Elle croit que notre Saint-Père le pape de Rome, les évêques et les autres gens d'Église sont pour garder la foi chrétienne et punir ceux qui défaillent ; mais, quant à elle, de ses faits, elle se soumettra seulement à l'Église du Ciel, c'est à savoir, à Dieu, à la Vierge et aux saints et saintes du Paradis. Elle croit fermement n'avoir pas défailli en notre foi chrétienne et elle n'y voudrait point défaillir."

Resterait à prouver, - ce que les juges ne font évidemment pas, - qu'en se soumettant à cette Église du Ciel, elle ne se soumet pas, par le fait même, à tout ce que pourra jamais lui imposer légitimement l'Église de la Terre (la véritable, bien entendu).

Elle croit au pape de Rome, affirme-t-elle.

Pour ce qui est de la soumission à l'Église militante, elle dit qu'elle voudrait porter honneur et révérence à l'Église militante de tout son pouvoir ; mais de s'en rapporter de ses faits à cette Église, il faut que je m'en rapporte à Notre Seigneur qui me les a fait faire."

Les juges vont utiliser à leur profit cette réponse et les réponses suivantes qui la répètent. Mais toujours ils leur donnent un sens précis qu'elles n'ont pas et qu'elles ne veulent pas avoir : celui d'une rébellion de fait à l'Église. Jeanne dit qu'elle s'en rapporte à Notre Seigneur, car, pour elle - et elle a parfaitement raison, - l'Église ne peut jamais être en opposition avec la Seigneur. Relevons encore quelques réponses bien significatives :

"Interrogée si elle doit pleinement répondre au pape, elle requiert d'être menée en sa présence et, ajouta-t-elle, je lui répondrai ce que je dois."

"Au cas où l'Église militante lui commanderait quelque chose de contraire au commandement que Dieu lui a fait, elle ne s'en rapporterait  à personne au monde."

Insoumission à l'Église, s'écrient encore les juges : hélas ! ils ne voient pas que la condition posée par eux est une absurdité, qu'une Église ne peut être à la fois l'Église de Dieu et commander quelque chose de contraire au commandement de Dieu.

Sans avoir suivi le moindre cours de philosophie, le bon sens de Jeanne trouve d'emblée la réponse : "ex absurdo sequitur quodcumque" à partir d'une absurdité, on peut conclure n'importe quoi. Si une Église commandait le contraire du commandement divin, il ne faudrait plus s'en remettre à elle : non, certes ! par insoumission à l'Église, mais parce qu'elle ne serait pas l'Église. Quelle magnifique leçon de théologie donnée à nouveau par cette jeune fille qui n'a pour lumière que la lumière de sa foi et le secours de Dieu !

"Interrogée si elle croit être sujette au pape, aux cardinaux, aux évêques, elle répond que oui : Notre Seigneur premier servi. Elle sait que ce qu'elle fait est du commandement de Dieu."

Qu'on vienne donc lui dire tout net que "servir le Seigneur" constitue une insoumission au pape, aux cardinaux ou aux évêques ! Lisons encore la suite, qui se dispense de tout commentaire :

"Elle affirme qu'elle aime Dieu et le sert, qu'elle est bonne chrétienne, et qu'elle voudrait aimer et soutenir l'Église de tout son pouvoir. Elle dit qu'elle ne croit pas avoir fait quoi que ce soit contre la foi chrétienne.

Malade, elle requiert la confession, le sacrement d'Eucharistie et d'être enterrée en terre sainte. Elle croit que l'Écriture est révélée de Dieu.

Je crois bien, dit-elle, à l'Église militante d'ici-bas ; mais, de mes faits et dits, ainsi que je l'ai répondu d'autres fois, je m'en attends et je m'en rapporte à Dieu. Je crois bien que l'Église militante ne peut errer ou faiblir. Mais, quant à mes dits et faits, je les rapporte du tout à Dieu, qui m'a fait faire ce que j'ai fait."

Pour Jeanne, deux choses sont également et absolument certaines : d'une part, le caractère divin de sa mission, car elle en a l'évidence et, sans aucun doute, une lumière intérieure lui en donne une certitude surnaturelle ; d'autre part, l'infaillibilité de l'Église à laquelle elle est totalement soumise par sa foi théologale. Tout le reste, dans la mesure où il tendrait à opposer les deux certitudes, n'est que supposition chimérique, dont elle refuse avec raison de tenir compte. Ce sont ces hypothèses qu'elle repousse : nullement l'Église, ni Dieu qui lui parle par ses Voix. Et elle repousse ces hypothèses parce qu'elles sont une injure à l'Église. C'est donc la sainteté même et la grandeur de l'Église, son union parfaite à Dieu, qu'elle défend contre d'injustes détracteurs.

"Elle dit avoir consulté ses Voix pour savoir si elle se soumettrait à l'Église, et elles lui ont dit que, si elle veut être aidée, elle s'attende de tout à Notre Seigneur.

Elle dit (le 24 mai, au cimetière de Saint-Ouen) : Pour ce qui est de la soumission à l'Église, je leur ai répondu sur ce point : pour toutes les oeuvres que j'ai faites et pour tous mes dits, qu'on les envoie à Rome vers notre Saint-Père le pape."

Nous ne dirons rien de l'abjuration arrachée par la supercherie et d'ailleurs presqu'aussitôt rétractée. Jusqu'à la fin, Jeanne resta sur sa position de départ qui bloquait indissolublement sa fidélité à la Voix de Dieu et à celle de l'Église. C'est ce qu'ont ensuite affirmé les témoins appelés au procès de réhabilitation.

Il suffit d'en citer un seul, Martin Ladvenu, le religieux qui entendit sa dernière confession :

"Jeanne, interrogée si elle se soumettait à l'Église, répondit : Qu'est-ce que l'Église ? Comme il lui fut réparti que le pape et les évêques représentaient l'Église, elle répartit de son côté qu'elle s'y soumettait et qu'elle demandait à être conduite au pape."

Ce témoignages précis est comme le résumé des conclusions déjà tirées des actes du procès de Rouen. Ce qui ressort très clairement de cette héroïque défense, ce n'est pas seulement la double fidélité de Jeanne à l'Église et à ses Voix ; ce sont les bases mêmes de cette admirable attitude : Sa foi surnaturelle d'abord, qui lui montre l'Église si unie au Christ qu'on ne peut suivre l'une sans suivre l'autre. Son humilité, qui la porte constamment à s'effacer elle-même devant la Voix de Dieu, devant l'Église qui enseigne et commande, devant les clercs eux-mêmes dont elle reconnaît les pouvoirs. Mais, déjà, au delà de cette double attitude, elle a laissé entrevoir dans un simple mot lâché presque inconsciemment le lien le plus profond qui achève de porter à sa perfection cette complète soumission à l'Église : Jeanne d'Arc aimait l'Église. Elle ne l'a pas seulement exprimé dans un aveu d'une candide fraîcheur;

lle en a donné la preuve tout au long de son procès où elle ne cesse de montrer l'idée admirable qu'elle se fait maintenant de cette Église "toute une avec le Seigneur". Et elle meurt après un double appel qui, au fond, n'en sont qu'un : au pape, chef de l'Église, et à Jésus son fondateur.

Dom Georges FRENAUD

(à suivre)

 

 

* Rapport au VIIème congrès de La Cité Catholique (Orléans, juillet 1956)

(1) Douzième article résumant le procès de Rouen et adressé à l'Université de Paris.