Histoire de l’Association et sa continuité au travers du bulletin
Il nous a paru utile de rappeler à tous nos amis l’origine de notre association dont la mémoire est fixée dans la collection de nos bulletins trimestriels.
C’est pourquoi en parcourant ces bulletins nous évoquerons les principales étapes et les grands noms qui, de près ou de loin, ont été associés à notre mission de proposer Jeanne d’Arc à l’exemple de tous.
Pour aujourd’hui notre exposé portera sur la période 1953-1965, c’est-à-dire de la création jusqu’à la mort de notre illustre président le Général WEYGAND le 28 Janvier 1965.
Notre premier bulletin s’intitule :
Réunion du 19 Octobre 1953 avec Monsieur de MALEISSYE-MELUN, le R.P. DANIELOU,S.J, Monsieur E. POGNON, sous la présidence de Monseigneur RUPP, Prélat de Sa Sainteté – Vicaire Général de Paris, Aumônier général de l’Association.
Je vous lis la 1ère page du 1er bulletin qui pose les bases de notre association.
La mission de Jeanne d’Arc ne s’est pas achevée au bûcher de Rouen. Jeanne est, avant tout, de par son martyre, une grande force spirituelle qui peut aujourd’hui comme au XVème siècle, sauver non seulement la France, mais le monde.
Symbolisant le patriotisme le plus pur, celui qui ne vise à aucune conquête, qui tend au contraire à rassembler non seulement tous les fils d’une même nation, mais encore à intégrer -selon le vœu et l’appel de Sa Sainteté Pie XII- tous les peuples dans le vaste cadre de la Chrétienté, Jeanne la Libératrice est essentiellement la sainte du temporel. Seule entre les élus innombrables qui intercèdent pour nous obtenir la paix en ce monde, elle a proclamé et proclame toujours que c’est Notre Seigneur, Fils de Sainte Marie, qui doit effectivement régner sur la société humaine, que les Chefs d’Etat, quelle que soit leur appellation, ne doivent être que les lieutenants de Dieu.
« De par le roi du ciel »
telle fut et telle sera éternellement la devise de celle qui est vraiment l’apôtre de la Chrétienté nouvelle et qu’un grand artiste a pu appeler
l’ « ange de la Paix ».
Dans l’angoisse présente, alors que tous cherchent le signe suprême du salut, c’est le nom de Jeanne d’Arc, symbole d’espoir et de ralliement, qu’il faut invoquer avec ferveur. Les français se devaient à eux-mêmes de fonder, avec le concours des élites spirituelles du monde entier et de tous ceux qui ont le respect du droit naturel, l’ASSOCIATION UNIVERSELLE DES AMIS DE JEANNE D’ARC.
Vient ensuite l’exposé du comte Guillaume de MALEISSYE-MELUN, Président de l’Association.
Historique du mouvement
C’est un très grand honneur que vous avez fait à l’Association Universelle des Amis de Jeanne d’Arc en répondant à son appel. Mais c’est surtout la promesse d’un avenir digne de l’action pour laquelle elle sera fondée par vous, ses promoteurs d’aujourd’hui.
L’Association Universelle des Amis de Jeanne d’Arc ne saurait en effet accéder à cette action sans votre aide et sans votre sollicitude. Il me paraît nécessaire, en conséquence, que je vous dise en quelques mots qu’elle en fut l’origine, le but poursuivi par ceux qui eurent l’inspiration d’en établir les premières fondations, enfin les principaux objectifs sur lesquels elle compte s’orienter.
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Les cérémonies consacrées au Cinquième Centenaire de la Pucelle avaient mis le sceau à la renaissance de son culte ; renaissance qu’avaient sanctionnée avec éclat, dix ans plus tôt, la canonisation de Jeanne par l’Église et le vote au Parlement de la fête nationale qui allait s’attacher à son nom.
Des plaques commémoratives avaient été apposées à chaque étape de la chevauchée de 1429, mais les lumières et les voix des dernières solennités du souvenir une fois évanouies, le silence et l’oubli allaient-ils s’étendre de nouveau sur tant de gloire ?
De cette source d’eau vive pour la France et la Chrétienté que constituait cette épopée unique dans l’histoire, n’allait-il demeurer que le souvenir fugitif d’une commémoration destinée à rejoindre, comme tant d’autres, les cendres du passé ?
Cette éventualité parut intolérable à deux Françaises qui, dans un élan de foi patriotique et religieuse, résolurent d’en perpétuer le souvenir et d’en révéler les enseignements. Elles s’en ouvrirent à quelques personnes qu’elles estimèrent susceptibles de les soutenir dans ce dessein. Et c’est ainsi qu’est née l’Association Universelle des Amis de Jeanne d’Arc.
Encouragées par la découverte d’une Association locale des Amis de Jeanne d’Arc dans la petite chapelle de N.D. de Bermont, non loin de Domremy, et par la constatation que dans le moindre hameau traversé par l’héroïne on en gardait pieusement mémoire, la pensée d’une force latente à utiliser pour la paix s’imposa à leur esprit. Un premier Comité se fondait dans les années qui précédèrent la seconde guerre mondiale. Mais celle-ci remit tout en question.
L’idée faisait son chemin. Un nouveau comité se fonda il y a trois ans avec le précieux appui de Mgr Rupp, qui avait accepté de devenir son Aumônier Général. Et les buts primitifs se précisèrent.
De ces buts, à l’origine, le premier dont je veux vous parler parut primordial et surtout urgent : la réalisation du vœu du 13 septembre 1914.
En ce jour où s’achevait la bataille de la Marne, le Cardinal Amette, du haut de la chaire de Notre-Dame, fit, suivant ses paroles mêmes, « le vœu de poursuivre au plus tôt la construction d’une basilique dédiée à la Bienheureuse Jeanne d’Arc, en ex-voto commémoratif pour le salut et le triomphe de la France ».
Rappelons-nous la situation militaire à cette date : l’ennemi à 15 lieues de Paris, une bataille victorieuse, il est vrai, mais peut-être sans lendemain. La menace toujours suspendue d’un anéantissement définitif.
Hélas ! la promesse qui avait été faite ainsi allait se heurter à tant d’obstacles que, près de quarante ans plus tard, il nous reste à en achever la réalisation.
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Avec cet objectif, que j’intitulerai de première urgence, l’Association Universelle des Amis de Jeanne d’Arc est encore loin d’avoir exposé tous ses buts.
Elle s’en est assigné un autre plus vaste.
Une nation aussi chargée d’histoire que la nôtre est tentée d’oublier. C’est maintenant chose faite pour des millions de Français. Et nos manuels officiels ne font que refléter trop souvent cet état de fait.
La France de 1429 fut ressuscitée par une paysanne que guidait une inspiration divine. Galvanisés par sa voix, un jeune roi, des chefs de guerre, des soldats découragés jusque là, se lèvent à son appel et libèrent le pays. Que tout cela est loin de nous ! Des siècles s’écoulent dans l’indifférence devant ce prodige.
Enfin, à partir du XIXème siècle, des historiens se penchent sur ce qui n’est presque plus qu’une légende. Leurs recherches font revivre la vérité oubliée.
L’Église couronne ce retour de la France à Jeanne par la consécration de ses vertus héroïques et de la sainteté de sa mission.
Il nous reste maintenant à fonder dans les cœurs le culte ainsi restauré. Ce n’est pas à moi de développer pour vous les aspects de l’Action Providentielle. Puis-je cependant passer celle-ci sous silence alors qu’elle apparaît aveuglante dans sa réalité, pour nous qui avons déjà l’expérience de tant d’épreuves ?
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Dieu a jugé que la France méritait son intervention pour survivre, parce que la survivance de notre nation était nécessaire au monde. Ce ne pouvait être cependant pour lui assurer la suprématie de la force.
Ce que la force parvient à conquérir devra tôt ou tard s’effondrer sous les coups de plus puissants qu’elle.
Or Jeanne n’a jamais cessé de rappeler au cours de ses trois années de combats et de souffrances que sa mission était une mission de Paix. Elle n’a jamais séparé la France de la Chrétienté.
Par delà les haines qui secouaient les hommes de son temps, Jeanne a atteint d’un seul coup d’aile au concept de la Paix du Christ qui doit s’étendre sur toutes les nations. Lumière projetée par le génie, au jugement d’un incroyant, mais pour nous, preuve évidente de l’inspiration divine qui l’animait.
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Et c’est aussi le dernier objectif que s’est donné l’Association : faire connaître la mission de Jeanne d’Arc, telle qu’elle se poursuit dans le monde et dans notre siècle. N’est-ce pas faire œuvre catholique au sens étymologique du terme ?
L’exemple ainsi proclamé doit tendre à convaincre tous les hommes de bonne volonté.
La paix ne peut se conquérir qu’en suivant les enseignements de notre Sainte française, qui les tenait, elle-même, du Christ par ses voix.
Pour nous le but est sans doute ambitieux, car il franchit les frontières et les océans. Mais si notre Association s’est voulue universelle, c’est dans l’espoir et la volonté d’aider de toutes ses forces à cet idéal.
On peut, je pense, tenir le même discours 45 ans plus tard.
Le Révérend Père Daniélou succède au Comte de Maleissye-Melun sur le thème : la mission universelle de Jeanne d’Arc et enfin, Monsieur Edmond POGNON, Conservateur à la Bibliothèque Nationale, termine avec « le rôle historique de Jeanne d’Arc ».
La dernière page de ce premier bulletin précise les buts de l’association.
Contribuer à faire connaître le Vœu National formulé par le Cardinal Amette le 13 septembre 1914 promettant de faire ériger une basilique à Sainte Jeanne d’Arc ;
Développer la connaissance de l’histoire de Jeanne d’Arc par :- la création d’un Centre de Documentation et d’Etudes (cycles de Conférences, Semaines ou Quinzaines d’Etudes pour les « Amis » des Provinces-
La publication d’une Revue des Etudes Johanniques ;
Organisation de pèlerinages johanniques aux lieux où se sont déroulés les faits glorieux ou douloureux de la vie de notre héroïne nationale ;
Publication d’un ouvrage retraçant la Chevauchée de Jeanne d’Arc à travers la France ;
Grand Rassemblement annuel se tenant successivement dans les régions traversées par la sainte de la Patrie ;
Manifestations artistiques tendant à mettre en relief l’intervention de Sainte Jeanne d’Arc et de Saint Michel dans l’Histoire de la France et de l’Église Universelle.
Nous avons là le véritable acte de naissance de l’Association. Les bulletins qui suivent relatent les efforts déployés par l’association pour mettre en œuvre les objectifs fixés et attirer les plus grandes personnalités.
Nous y trouvons le Père DONCOEUR et Jean GUITTON, et d’autres cités dans le bref compte-rendu de l’Assemblée Générale du 21 Juin 1954.
Le 21 Juin dernier a eu lieu notre Assemblée Générale sous la présidence de notre aumônier Mgr Rupp. Elle rassembla un nombre important d’auditeurs parmi lesquels, outre les Vice-Présidents M. le Comte E. de Las Cases et M. le Commandant André Lecoq, on reconnaissait le R.P. Pépier et Madame la Générale Giraud, Vice-Présidente d’honneur.
Au cours de cette réunion, notre Président M. le Comte Guillaume de Maleissye-Melun retraça l’activité de l’Association pendant ces derniers mois dont la plus notable fut la mise sur pied d’un bulletin périodique. Il insista surtout sur le rôle que devait jouer l’Association dans la commémoration de la Réhabilitation en 1956, ce qui ne pourra se faire que si chacun travaille avec ténacité à son accroissement.
M. le Président donna ensuite la parole au R.P. Paul Doncoeur qui donna sur le mystère de Jeanne le point de vue de l’historien, toujours en quête de l’entière et rigoureuse vérité. Une seconde conférence fut prononcée par M. Jean Guitton qui parla en philosophe. A la demande de beaucoup d’auditeurs, nous donnons un compte rendu de ces deux conférences.
La soirée se termina par une conclusion brillante et très applaudie de Mgr Jean Rupp.
On peut noter dans le bulletin d’avril 1955 le texte d’une Conférence de Madame DUSSANE dont j’extrais un paragraphe au sujet de Jeanne et Péguy.
Les thèmes principaux de sa Jeanne d’Arc, écrite en 1897, préfigurent tout son destin. Mais Jeanne ne semble pas trop scandalisée de tout ce que Péguy lui fait dire. Comme Péguy, Jeanne est torturée par la souffrance et la misère des autres. Lui, un hiver, tout pauvre qu’il est, donne son pardessus. Jamais il ne prendra son parti que les peines de l’Enfer, comme ici-bas la misère, soient irrévocables. Ce sont ces idées qu’il développera dans Jean Coste. Ces sont les idées de toute sa vie. Et l’on peut reconnaître dans les répliques de Madame Gervaise, les sages réponses que devait lui faire son ami Bayet, devenu Bénédictin. Aussi bien cette torture chez Jeanne aboutit à la prière.
Péguy a senti le parallélisme entre Antigone et Jeanne : toutes deux, héroïnes qui combattent et bravent la mort sans verser le sang. Mais Jeanne perd ses illusions devant les nécessités dégradantes de l’action. Plus tard, Péguy vivra à plein cœur l’affaire Dreyfus. Mais dès 1897, il pressent en une vision prophétique la dégradation de la Mystique en Politique. Au nom de cette dégradation, Péguy attaquera les magistrats, la Sorbonne et le Monde moderne.
Péguy, comme Jeanne finira solitaire, apparemment en marge de l’Église. Pour l’un, comme pour l’autre un sacrifice obscur sera plus tard couronné par un embrasement des âmes et des cœurs.
Puis tout en relatant l’actualité de Jeanne d’Arc et en augmentant le nombre des adhérents, l’association se consacre principalement à la préparation du 500ème anniversaire de la réhabilitation de Jeanne qui sera célébrée à travers toute la France.
Au passage nous relevons l’adhésion des plus hautes personnalités canadiennes françaises.
L’Adhésion chaleureuse du Canada
Président d’honneur le Très Honorable Thibaudeau Rinfret, - Louis-S. Saint-Laurent, Premier Ministre - Maurice-L. Duplessis, Premier Ministre de la Province de Québec ; - Gaspard Fauteux, Lieutenant-Gouverneur de la Province de Québec - Alexandre Taché, Président de l’Assemblée Législative de Québec - L.-René Beaudouin, Président de la Chambre des Communes ; Les Ministres, les Sénateurs, les Députés et une cinquantaine de noms suivent cette liste, d’éminentes personnalités canadiennes.
Le 20 Novembre 1955 les cérémonies du demi millénaire de la réhabilitation de Jeanne commencent par une messe à N.D. de Paris.
Je lis dans le bulletin de Janvier 1956 :
En présence du cardinal archevêque de Paris, de l’archevêque de Reims et de l’évêque de Coutances, devant une foule considérable, lecture fut donnée de la requête présentée par la mère de Jeanne en cette cathédrale le 7 novembre 1455, ainsi que du rescrit de Callixte III ouvrant le procès, et Mgr Lacointe, évêque de Beauvais, célébra ce grand souvenir. Il était émouvant que devant les successeurs des évêques délégués par le Pape pour instruire ce procès, ce soit le successeur de Pierre Cauchon qui apporte à Jeanne l’hommage de l’Eglise et de la France.
On ne peut passer sous silence les manifestations des 12 et 13 mai 1956, bien que peu relatées dans notre bulletin :
Le 18 Avril 1956 les Amis de Jeanne d’Arc lançaient un appel :
La France est attaquée de,partout.
A l’intérieur, des organisations et des propagandes, souvent dissimulées sous les masques les plus trompeurs, attaquent les bases essentielles de la société : la famille, la patrie et la religion.
A l’extérieur, nous voyons les forces mondiales, apparemment les plus hostiles, se liguer pour empêcher notre pays de remplir sa mission civilisatrice.
Face à ces dangers, les Français et Françaises attachés aux traditions chrétiennes sont les uns inactifs, les autres divisés entre des organisations trop cloisonnées pour avoir une efficacité suffisante. Indépendants ou attachés à des mouvements divers, les signataires de cet appel les invitent tous et toutes à se joindre à eux pour se rencontrer dans une action commune. Ils ont l’ambition de promouvoir, en face du déferlement mondial de la vague matérialiste multiforme, le front commun des Français décidés à combattre jusqu’au bout « pro aris et focis », pour leur foi et leur foyer.
« Nous sommes attachés sans réticence aux valeurs civilisatrices de l’Église catholique, dont la France est la fille aînée. Respectant la vocation propre de chaque mouvement, notre espoir est, dans ces heures tragiques, de contribuer sur le terrain civique à mettre au coude à coude, sans pourtant les fondre dans une unification artificielle, tous ceux qui s’opposent à l’offensive plus ou moins camouflée du marxisme et du matérialisme.
« Que tous, face au vent de capitulation qui souffle sur une France trop longtemps infidèle à sa mission, répètent hardiment le cri de saint Pie X parlant de la France :
« Elle ne périra jamais, cette fille de tant de mérites, de tant de soupirs et de tant de larmes. »
Après les conférences le 12 Mai 1956 de Georges HARDY sur la mission civilisatrice de la France et de Marcel CLEMENT sur les fondements de l’amour dû à la patrie, le 13 Mai, aux Arènes de Lutèce.
Prennent place sur l’estrade, aux côtés du Général Weygand, en plus des orateurs et du Comte de Maleyssie-Melun, président des « Amis de Jeanne d’Arc », l’amiral Decoux, ancien Résident Général en Indochine, et Monsieur Jacquinot, député, ancien ministre, président du Comité National Jeanne d’Arc.
Raoul Follereau termine sa conférence ainsi :
….Communiant dans le souvenir de Jeanne, nous ferons un acte d’espérance, de confiance et d’amour dans notre patrie. Nous voudrons chaque jour, à notre place, sacrifier notre petit confort moral, pour faire rayonner cette France qui demeure dans le monde si grande, si généreuse et si forte.
Français qui m’entendez, soyez fiers de la France ! soyez dignes de la France ! ».
Jean de Bronac parle ensuite de la France, la patrie élue. Vient enfin l’allocution du Général WEYGAND dont j’ai extrait :
C’est aussi le moment de rappeler les paroles prononcées par le Légat du Pape, le 13 Juillet 1937, dans la chaire de Notre-Dame :
« A la France d’aujourd’hui qui l’interroge la France d’autrefois va répondre en donnant à cette hérédité son vrai nom, la vocation. Car les peuples, comme les individus, ont leur vocation providentielle ; comme les individus ils sont prospères ou misérables, ils rayonnent ou demeurent obstinément stériles, selon qu’ils sont dociles ou rebelles à leur vocation. Soyez fidèles à votre traditionnelle vocation ; jamais l’heure n’a été plus grave pour vous en imposer les devoirs… »
Pour Jeanne d’Arc ce fut Orléans ; dans la grande guerre, Verdun ; pour la France d’aujourd’hui, c’est l’Algérie dont la perte serait pour elle le signal de la déchéance de son rang de grande puissance. Là-dessus non plus je n’insiste pas, tout a été dit.
La France doit continuer le combat jusqu’à ce que l’ennemi vaincu se rende à sa merci. Elle le doit aux Français de race, auteurs de la prospérité du pays, aux Français d’origine africaine qui comptent sur sa protection. La France trahirait sa mission civilisatrice si elle acceptait de traiter avant une complète victoire. A cette condition seulement elle récupérera son entière souveraineté sur une terre qui, avant d’être sienne, était un repaire de pirates, livré à l’anarchie, qui n’a jamais eu de nationalité propre ; une terre où elle a accompli une œuvre dont elle peut s’enorgueillir, malgré les déficiences de toute œuvre humaine.
Marchons le front haut, fiers d’être Français, sans pour cela nous juger infaillibles, mais sans nous croire obligés de nous accuser de fautes que nous n’avons pas commises. Affirmons notre foi dans la vocation chrétienne et civilisatrice de la France.
Protégeons jalousement sa souveraineté.
Sachant que, parmi les Français d’aujourd’hui, comme parmi ceux d’hier, se trouvent des hommes capables, dans l’union retrouvée, de la garder des renoncements et des abandons, de remettre d’aplomb nos institutions. Grande œuvre, de longue haleine, qui ne peut être menée à ses fins sans le secours de Dieu, sans l’intercession de Sainte Jeanne d’Arc, auprès de Sa Toute-Puissance.
Alors, de la profondeur de nos angoisses montera le sursaut du redressement décisif de notre Patrie.
L’association continue avec son bulletin et les diverses manifestations et conférences qu’elle organise, d’enseigner, de diffuser, de faire mieux connaître, de faire aimer Jeanne d’Arc, de la rendre présente dans le cœur des français.
En 1956 la présidence d’honneur est acceptée par le Général Weygand qui s’intéressait à notre association dès son origine.
Nous trouvons dans les années suivantes les signatures de l’Abbé J.F. Henry, d’André et Henri CHARLIER, de Pierre LHERMITE, du Chanoine HOUCHE, archiprêtre de la Cathédrale de Bône en Algérie, de Joseph THEROL, de Pierre VIRION, du père CALMEL, les messages du Cardinal FELTIN et des Papes qui ont succédé à PIE XII.
En Juillet 1958 le Général Weygand obtient de sa Sainteté PIE XII sa bénédiction apostolique pour l’Association.
Je suis heureux de vous faire savoir que le Saint-Père a été sensible à votre démarche. Il connaît et apprécie vos sentiments personnels d’attachement à l’Eglise et à son chef visible. Par ailleurs on ne peut que louer le souci qui anime les « Amis de Sainte Jeanne d’Arc » de propager l’esprit de la « Sainte de la Patrie » et de prolonger en quelque sorte sa mission par la prière et l’apostolat.
C’est donc de bon cœur que Sa Sainteté encourage les promoteurs de l’Association et leur envoie, ainsi qu’à leur zélé Président d’Honneur, en gage des meilleures bénédictions d’En Haut, la Bénédiction Apostolique implorée.
Le 30 Octobre 1959, le Général Weygand écrit à Sa Sainteté Jean XXIII
« Très Saint Père.
Agenouillés aux pieds de Votre Sainteté, nous joignons nos vœux les plus ardents à tous ceux qui ces jours-ci lui parviendront de France à l’occasion du premier anniversaire de son élévation au trône de St Pierre. Nous rappelant avoir vu plusieurs fois à Orléans et une fois à St-Denys-la-Chapelle Son Excellence Mgr Roncalli illustrer de sa présence les cérémonies en l’honneur de Jeanne d’Arc, nous ne pouvons nous défendre d’espérer que Sa Sainteté Jean XXIII sera le Pape qui voudra bien étendre à toute l’Eglise la fête de notre Sainte Patronne.
En priant Votre Sainteté d’agréer le très respectueux hommage de notre attachement filial et de notre entier dévouement à Sa Personne et à l’Eglise, nous osons la supplier de nous accorder la bénédiction apostolique. »
La réponse viendra en 1962 où nous lisons dans le bulletin n° 42.
La messe de sainte Jeanne d’Arc étendue au monde entier
Le point principal de la mission de Jeanne, c’est la proclamation, la reconnaissance sur l’autorité des faits et de ses révélations de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus Christ. Convaincus de l’universalité de la mission de notre Sainte, vous aurez à cœur de faire connaître que le nouveau Missel Romain paru en 1962, comporte un grand nombre de messes en dehors du calendrier universel et figurant dans la catégorie : Pro aliquibus locis (pour certains lieux).
Ce qui est nouveau, ce n’est pas seulement l’augmentation du nombre de ces messes, c’est aussi la faculté pour le prêtre de les célébrer à son gré, soit le jour même où le saint est inscrit au martyrologe (sauf concurrence d’une autre fête), soit n’importe quel jour où les messes votives sont permises.
Or, parmi ces messes supplémentaires figure celle de sainte Jeanne d’Arc au 30 mai, jour de sa naissance au ciel. Ainsi donc, il sera permis à tout prêtre du monde entier de dire la messe de sainte Jeanne d’Arc le 30 mai, sauf si le calendrier diocésain comporte une fête ce même jour (comme saint Ferdinand en Espagne).
De plus, tout prêtre pourra célébrer à sa dévotion la messe votive de sainte Jeanne aux jours libres, c’est-à-dire aux féries du temporel.
L’inscription de notre sainte au calendrier universel eût entraîné sa célébration dans l’office du Bréviaire, c’est pourquoi il nous a été impossible de l’obtenir. Du moins, la dévotion des prêtres et des fidèles pourra être satisfaite par la célébration de la messe de notre chère sainte. Nous en sommes très reconnaissants à la Sacré Congrégation des Rites et à S.S. Jean XXIII qui a daigné l’approuver.
Enfin en citant encore quelques personnalités comme Jean OUSSET de la Cité Catholique, Dom Guillou, Marie-Noëlle, Pierre JOUVELLIER, Dom Frenaud, Moine de Solesme, Régine Pernoud, je voudrais terminer par l’hommage rendu par Pierre VIRION à la mort de notre Président d’honneur, le Général WEYGAND, au nom des Amis de Jeanne d’Arc.
Le Général Weygand était parmi nous l’illustre exemple de la fidélité catholique et française et aussi, à cause de tout ce qu’il représentait, un chef très sûr au milieu des incertitudes et des débâcles de l’esprit.
D’autres plus qualifiés ont fait de lui durant sa vie et au moment de sa mort des éloges dont la hauteur certes n’est pas au-dessus de ses mérites et qui n’ajoutent à sa gloire que le prestige de la vérité. L’ostracisme officiel au contraire, s’en prenant à son cercueil, l’a grandi encore davantage : c’est une autre manière de justice qui sera plus tenace que les honneurs d’un moment.
Pour nous, notre deuil, c’est la perte de celui dont le culte pour la Sainte de la patrie était total et très pur sans les faux jours d’une optique personnelle ou de nos conditionnements spirituels d’aujourd’hui. Il vénérait Jeanne d’Arc pour ce qu’elle incarne : la Foi et la vocation de notre France, que Dieu lui commanda de défendre et telle aussi qu’il lui inspira de la vouloir. Car Jeanne a laissé un message exprimé autant par ses actes que par ses paroles. Dans ce message dont il connaissait la portée universelle, le Général ne transposait ni les vues ni les préjugés de notre époque, mais, en toute droiture, il l’appliquait à nos problèmes d’aujourd’hui. Ce qui n’est pas la même chose.
Soldat comme il aimait lui-même à se dire, et nous savons à quel point éminent il le fut, il avait pour idéal, l’idéal de la sainte guerrière et pacifique. Toute sa vie en était imprégnée ; sa pensée y revenait sans cesse. Weygand, chef d’état major de Foch, gagnant avec lui la guerre de 1914-1918, sauvant Paris en 1940, sauvant la France en limitant le désastre et forgeant l’armée de la victoire finale, sauvant aussi l’Occident en Pologne n’a jamais hésité à faire abnégation de son intérêt propre, de la renommée de ses victoires pour le salut de cette France à laquelle sainte Jeanne d’Arc a elle-même tout donné. Il y a là plus qu’un parallèle, c’est une configuration. C’est un aspect de sa personnalité qu’il faut entrevoir si l’on veut le connaître. Nous eûmes nous-mêmes, bien souvent l’occasion de parler d’elle avec lui. Par là s’explique l’esprit de sacrifice et la modestie par lesquels brille davantage la grandeur de sa destinée.
« Les victoires de l’héroïne sont le fruit des vertus de la Sainte ». Ce qu’il disait d’elle ne lui convient-il pas à lui aussi ? Il ne limitait ni sa pensée ni son action de chrétien au cercle étroit de sa vie personnelle. Servir Dieu en premier, comme Jeanne, avait aussi pour lui, le sens bien évident du service de la patrie terrestre, d’abord par les armes puisque telle était sa vocation, mais aussi par le fidèle accomplissement de ce devoir civique dont il déplorait l’oubli chez nos élites chrétiennes, à savoir, d’affirmer très haut la réalité, l’absolue nécessité d’une vie publique, nationale selon le Christ. Qu’on se souvienne de la grandiose manifestation du Sacré-cœur où dans la basilique remplie d’hommes, de pères de familles, Weygand, seul au milieu du chœur redisait devant tous l’acte de consécration.
Combien de fois n’a-t-il pas dénoncé, par la parole ou par l’écrit, l’envahissement sinon la corruption de ces élites, de toutes les classes bien sûr, par l’égoïsme et par des concepts de civilisation toujours plus matérialistes présentés par des propagandes sans cesse plus audacieuses ? Dans ce domaine, comme dans ses tâches militaires, nous pouvions tous être témoins de son sens des responsabilités. Le Général y pensait toujours à cette responsabilité civique d’autant plus grande
qu’il occupait un plus haut rang et il ne craignait pas de dire que d’elle aussi dépend notre salut éternel. Ayant vécu et agi dans ces pensées avec Jeanne pour modèle, il nous est bien permis de croire que de toute son âme, enfin rendue auprès de Notre Seigneur en compagnie de sa chère Sainte, le Général Weygand assistera encore tous ceux qui aiment la France comme il l’a aimée… à la Jeanne d’Arc.
Il avait d’ailleurs confiance en l’avenir : elle lui apparaissait comme un signe donné par Dieu une fois pour toutes à notre patrie.
Mais il aurait voulu que tous les Français, de tous les milieux, les jeunes surtout, connussent la vie et l’épopée de Jeanne, comme la meilleure et la plus directe formation d’un esprit national dépouillé d’étroitesse mais sans reniement tout de fierté, tout d’élan généreux et civilisateur. Pour lui elle symbolisait le rayonnement vrai de la France, elle était son image comme chevalier de la Foi et nation missionnaire. C’est pourquoi nous l’avons vu malgré son grand âge, jusqu’à la fin de sa vie animer avec toute la jeunesse de son cœur notre action si souvent semée de traverses, présidant le soir de grandes réunions à Pleyel ou ailleurs, y prenant la parole, s’intéressant à nos groupes et à nos manifestations de province auxquels il tenait tant, toujours avec l’espérance d’un renouveau dont il n’a jamais douté. Je l’entends encore me dire il y a une dizaine d’années déjà : « Jeanne d’Arc a chevauché onze jours en silence à travers la France envahie, dévastée, avant d’arriver à Chinon apportant la délivrance ; je crois qu’elle chemine encore sans bruit dans les âmes et qu’un jour elle nous apportera de nouveau le salut ».
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