“Politique et Echec”, par l’Abbé Lucien Nadeau

« Jeanne d’Arc et la politique » le livre de l’Abbé Nadeau a été présenté dans le bulletin n° 182. L’article « Politique et Echec » en est un chapitre. La rédaction.

Nous sommes au lendemain du supplice de Jeanne, jeudi de la Fête- Dieu, le 31 mai 1431. L’ évêque Pierre Cauchon préside la messe du Saint-Sacrement à la cathédrale de Rouen. Il affirme avoir jugé la Pucelle selon la justice et en suivant son devoir.

Il faut l’admettre, Pierre Cauchon était l’humble valet de l’Angleterre. La population de Rouen, témoin de ce forfait, criait : « Une sainte, on a brûlée une sainte»

Les responsables de la mort de Jeanne d’Arc pressentaient que leur victime serait, dans la mort, plus terrible que vivante. Jeanne avait dit que si elle devait mourir avant qu’elle ait accompli ce pourquoi Dieu l’ avait envoyée, elle nuirait encore plus aux Anglais qu’elle ne l’avait fait dans sa vie. De toute façon, tout ce pour quoi elle était venue s’accomplirait.

Les prédictions de Jeanne se réaliseront avec une précision étonnante. Il y a là un grand miracle de nature à ouvrir les yeux des plus incrédules, y compris ceux de notre temps.

Qu’ est-ce qui s ‘est passé après la mort de Jeanne ? Réponse : l’échec et la réprobation pour ses ennemis. Ici, nous plongeons dans la politique gouvernementale et religieuse d’une façon surprenante. (1)

Pour les Anglais et les Bourguignons, la mort de Jeanne fut l’échec total de leur politique. Pierre Cauchon, juge en chef et évêque, s’est mis à avoir très peur. Huit jours après la mort de Jeanne, il rédigea un document selon lequel la Pucelle aurait renié ses «Voix et apparitions», à huis clos, le matin de sa mort. Mais le secrétaire général du procès, Manchon, refusa de signer le document. Si Jeanne avait renié ses «Voix et apparitions », elle ne méritait plus la mort. Légalement, son exécution devenait un meurtre.

Supposons que Jeanne ait vraiment renié ses «Voix et apparitions», elle se serait repentie puisqu’elle s’est confessée deux fois ce matin-là et a communié. De plus, avant de mourir, elle a réaffirmé publiquement que ses « Voix » venaient de Dieu. Elle est donc morte dans un acte de foi. Le document de Pierre Cauchon serait un faux dû à sa peur incontrôlée de la réprobation générale. Quel échec pour ce « bourreau » de Jeanne et ses complices !

Les juges et 1eurs assistants commençaient à avoir peur. Le 12 juin 1431, ils demandèrent et obtinrent du roi d’Angleterre des lettres garantissant qu’ils seraient protégés contre d’éventuelles poursuites judiciaires. Leur hypocrisie et leur lâcheté les rendaient mal à l’aise. Ils avaient condamné une innocente, disons plus justement une sainte, au cruel châtiment du feu. La réprobation met en lumière leur échec monumental.

Le roi d’Angleterre et ses proches se sont mis à craindre la réprobation générale, même universelle. Quel échec !

Le 28 juin 1430, le roi écrit aux prélats, ducs et comtes de « son » royaume de France une lettre qui accuse Jeanne de tous les crimes.

On demanda aussi à l’Université de Paris d’écrire au pape, au collège des cardinaux et à l’empereur. La peur était très grande.

Le roi d’Angleterre lui-même, le 8 juin 1431, soit neuf jours après la mort de la Pucelle, expédia à l’empereur, aux rois, aux ducs et aux princes de la chrétienté une lettre collective qui accusait Jeanne des pires crimes. Selon lui, le jugement et le procès présidé par Pierre Cauchon étaient irréprochables.

La politique anglaise était en pleine ébullition. Même morte, Jeanne faisait peur. On voulait la détruire entièrement. On voulait anéantir la renommée surnaturelle de celle qui est vivante à jamais, renommée qui dure encore de nos jours. L’échec des ennemis de Jeanne retentira jusqu’à la fin du monde.

PENSÉE :

On peut tuer une jeune fille, la réduire en cendre, mais on ne tue pas le surnaturel, le divin. Il appartient à Dieu pour toujours.

RÉFLEXION :

La réprobation générale ou universelle n’est rien à côté de la réprobation intérieure, dans sa conscience, faite par Dieu lui-même. Cette réprobation ou échec se nomme le remords. Le Seigneur, à cause de sa miséricorde infinie, peut et veut nous délivrer de cette réprobation intérieure, des restes du péché et de la réprobation éternelle.

Que signifie le verbe «réprouver» ? Il signifie «juger à nouveau», La réprobation est un jugement. En théologie, la réprobation est le jugement par lequel Dieu exclut le pécheur du bonheur éternel. C’est l’échec final, irréparable.

Quels sont les synonymes de «réprouver» ? Maudire, rejeter, condamner, repousser.

Quels sont les contraires de « réprouver » ? Pardonner, approuver, accepter, bénir, louer.

Jésus-Christ a-t-il parlé de réprobation ?

Oui, et d’une façon dramatique. Il ne s’agit pas de la réprobation humaine, même universelle ni de la réprobation intérieure, mais de la réprobation divine, éternelle, disons l’échec éternel.

« Le Christ ressuscité glorieux dira à ceux qui sont à sa gauche : Allez-vous en loin de moi, maudits au feu éternel qui a été préparé pour le diable et ses anges. Car

j’ ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger et vous ne m’avez pas accueilli ; nu, et vous ne m’avez pas vêtu ; malade ou en prison, et vous ne m’avez pas visité.

Alors eux répondront : Seigneur ; nous est-il arrivé de te voir affamé ou assoiffé, étranger ou nu, malade ou en prison sans venir t’assister ? Alors, il leur répondra : En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait . Ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes à la vie éternelle » (Mt 25,41-46).

Nous sommes en pleine politique divine, n’est-ce pas ?

Auparavant, les justes auront entendu dire : «Venez les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour vous depuis la création du monde» (Mt 25, 34).

PRIÈRE :

Seigneur, Politique Suprême, nous te rendons grâce pour le succès éternel que tu nous promets ; délivre-nous de l’échec éternel par ta miséricorde infinie.

Ta miséricorde est plus grande que nos péchés ; tu es plus grand que notre cœur, nous t’adorons.

(1) N.B. La mort injuste, injustifiée et injustifiable de Jeanne a provoqué chez ses ennemis la peur terrible de la réprobation générale pour ne pas dire universelle.

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